Le président du Venezuela Nicolas Maduro a ordonné samedi la saisie des usines « paralysées par la bourgeoisie » et l’emprisonnement des entrepreneurs accusés de « saboter le pays », après avoir décrété la veille l’état d’exception, tandis que l’opposition a mis en garde contre un risque d' »explosion ».
« Dans le cadre de ce décret en vigueur (…), nous prenons toutes les mesures pour récupérer l’appareil productif qui est paralysé par la bourgeoisie (…) Quiconque veut arrêter (la production) pour saboter le pays devrait partir et ceux qui le font doivent être menottés et envoyés à la PGV (Prison générale du Venezuela) », a déclaré M. Maduro devant des milliers de ses partisans dans le centre de Caracas.
« Usine arrêtée, usine remise au peuple ! » (…) Vous allez m’aider à récupérer toutes les usines paralysées par la bourgeoise », a-t-il poursuivi.
Nicolas Maduro a par ailleurs annoncé avoir ordonné pour le 21 mai « des exercices militaires nationaux des Forces armées, du peuple et de la milice pour nous préparer à n’importe quel scénario » envisageable.
Il a à cet égard assuré que son homologue colombien Alvaro Uribe avait « appelé à une intervention armée », au cours d’une rencontre à Miami avec des dirigeants de l’opposition vénézuélienne. Y était aussi présent Luis Almagro, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), dont il affirme qu’elle est au service des Etats-Unis qu’il soupçonne de vouloir « en finir avec les courants progressistes en Amérique latine ».
Vendredi, le président socialiste vénézuélien avait annoncé qu’il décrétait l' »état d’exception et d’urgence économique » afin de « neutraliser et mettre en échec l’agression extérieure ».
L’opposition a de son côté averti samedi du risque d' »explosion » au Venezuela si elle ne parvenait pas à organiser un référendum pour révoquer le chef d l’Etat.
« Si vous verrouillez la voie démocratique, nous ne savons pas ce qui peut se passer dans ce pays. Le Venezuela est une bombe qui peut exploser à tout moment », a lancé le chef de l’opposition Henrique Capriles, appelant « tout le peuple à se mobiliser » pour obtenir le renvoi de M. Maduro.
Il s’exprimait devant des milliers de personnes venues manifester dans l’est de Caracas à l’appel de la coalition d’opposition de la Table pour l’unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement.
« Empêcher le référendum »
Le décret sur l’état d’exception, qui n’a toujours pas été publié, étend et proroge « pour les mois de mai, juin, juillet » un précédent « décret d’urgence économique », en vigueur depuis la mi-janvier et qui expirait samedi.
Il « sera étendu constitutionnellement pendant l’année 2016 et certainement pendant l’année 2017 afin de récupérer la capacité de production du pays », a ajouté le chef de l’Etat qui n’a pas précisé si l’état d’exception impliquait une restriction des droits civils.
Cette mesure a été prise pour « déstabiliser le pays et empêcher le référendum », a pour sa part dénoncé l’opposition.
L' »urgence économique » autorise le gouvernement à disposer des biens du secteur privé pour garantir l’approvisionnement des produits de base, ce qui, selon ses détracteurs, ouvre la voie à de nouvelles expropriations.
Le Quotidien / AFP
Crise politique et effondrement économique
Le Venezuela, dont les réserves de pétrole sont les plus importantes du monde, est touché de plein fouet par la chute des cours du brut, dont il tire 96% de ses devises. Il a enregistré en 2015 une hausse des prix de 180,9% et un recul du PIB (de 5,7%), pour la deuxième année consécutive.
S’ajoutant à l’effondrement économique, il est en proie à un bras de fer entre un gouvernement chaviste (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) et un Parlement aux mains de l’opposition.
La crise politique s’est accentuée depuis que l’opposition a collecté début mai 1,8 million de signatures en faveur du référendum pour révoquer Nicolas Maduro, qu’elle souhaite organiser d’ici à fin 2016.
La question du calendrier est cruciale : si le référendum survenait avant le 10 janvier 2017 et si le « oui » l’emportait, le Venezuela irait droit vers de nouvelles élections.
Mais à partir du 10 janvier, tout référendum couronné de succès ne conduirait qu’à une chose : le remplacement de M. Maduro par son vice-président Aristobulo Isturiz, membre du même parti.
« Coup d’Etat »
Elu en 2013 pour un mandat de six ans, Nicolas Maduro est aujourd’hui très impopulaire puisque, d’après un récent sondage, 68% des Vénézuéliens souhaitent son départ et l’organisation de nouvelles élections.
Il accuse quant à lui l’opposition de vouloir perpétrer un « coup d’Etat », à l’image de ce qui, assure-t-il, s’est produit au Brésil, où la présidente de gauche Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir par le parlement dans l’attente de son procès en destitution.
Selon le Washington Post, des responsables des services de renseignement américains estiment que le gouvernement vénézuélien pourrait être renversé par une insurrection populaire cette année.
Les Etats-Unis considèrent avoir peu d’influence sur le cours des événements au Venezuela et redoutent par dessus tout un effondrement de ce pays, écrit ce quotidien, qui fait état de la déception américaine face à une opposition vénézuélienne indisciplinée et divisée.