Temporairement écarté de la campagne d’immunisation en Afrique du Sud, le vaccin britannique d’AstraZeneca/Oxford accumule doutes et déconvenues depuis sa mise au point, refroidissant les espoirs placés en lui.
Déployé à grande échelle au Royaume-Uni, où il constitue avec le vaccin Pfizer/BioNTech le socle de la campagne ayant déjà permis d’administrer plus de 12 millions de premières doses, le vaccin est loin de connaître la même « success story » en dehors du pays où il a été développé par le laboratoire suédo-britannique avec l’université d’Oxford.
Au cœur d’une controverse commerciale avec l’Union européenne et accusé d’être moins efficace chez les plus de 65 ans, il voit désormais sa performance mise en doute contre le virulent variant sud-africain. Au point où l’Afrique du Sud a temporairement suspendu dimanche son programme de vaccination contre le Covid-19, qui devait démarrer dans les prochains jours avec ce vaccin. A l’origine de cette décision, une étude de l’université du Witwatersrand, à Johannesbourg, qui affirme qu’il est efficace à seulement 22% contre les formes modérées chez les jeunes adultes.
« Il n’est pas du tout clair s’il est plus ou moins efficace contre le variant que d’autres vaccins », a toutefois nuancé le Dr Peter English, expert en contrôle de maladies transmissibles, cité par le Science Media Centre.
« Empêcher les décès »
Aussitôt, AstraZeneca et les autorités britanniques sont montés au créneau pour défendre le vaccin à vecteur viral, technologie plus traditionnelle qui le rend moins coûteux et plus facile à stocker que des concurrents utilisant un ARN messager comme Pfizer et Moderna. A ce titre, il constitue un outil clé des campagnes de vaccination massives, y compris dans les pays les plus pauvres.
« Nous pensons que notre vaccin protégera quand même contre les formes graves de la maladie », a souligné un porte-parole du groupe pharmaceutique. « Rien ne prouve que ce vaccin n’est pas efficace pour empêcher les hospitalisations et les décès, ce qui est en fin de compte ce qu’on recherche avec ces vaccins », a abondé lundi le secrétaire d’État britannique à la Santé, Edward Argar, sur Sky News.
Au Royaume-Uni, où domine actuellement une souche très contagieuse apparue dans le sud de l’Angleterre, le vaccin « semble bien marcher », a voulu rassurer son collègue chargé de la campagne de vaccination, Nadhim Zahawi, dans le journal The Telegraph. Le pays, le plus endeuillé d’Europe avec plus de 112 000 morts, joue son va-tout sur la vaccination, y voyant la seule porte de sortie au strict confinement imposé depuis début janvier à sa population.
Nouveau version à l’automne
La mise à l’écart d’AstraZeneca en Afrique du Sud est le dernier en date d’une série de revers pour le vaccin britannique.
Le président français Emmanuel Macron a soutenu récemment que celui-ci était « quasi-inefficace » chez les plus de 65 ans, une affirmation contestée par le laboratoire. Et jouant la prudence, les autorités sanitaires de plusieurs pays européens l’ont déconseillé pour cette tranche d’âge, contrairement aux recommandations européennes, estimant insuffisantes les données sur son efficacité.
Le laboratoire a aussi été fustigé pour des retards de livraisons à l’UE, qui avaient provoqué un bras de fer entre Bruxelles et Londres.
Malgré les louanges britanniques sur l’efficacité du vaccin déployé au Royaume-Uni depuis début janvier, les autorités n’excluent pas la nécessité d’un rappel à l’automne, à l’image du vaccin contre la grippe adapté chaque année à de nouvelles souches. Le groupe pharmaceutique a dit travailler à une nouvelle version du vaccin pour faire face aux nouveaux variants, notamment le sud-africain, espérant le mettre au point d’ici-là.
Pour l’heure, 147 cas du variant sud-africain ont été identifiés dans le pays. S’il parvient à s’y propager largement, malgré une opération de dépistage massif dans plusieurs zones de l’Angleterre et l’obligation dès le 15 février pour les résidents de retour d’un pays à risque de s’isoler à l’hôtel, cela pourrait vouloir dire que « plus de restrictions pourraient être nécessaires pendant plus longtemps », a prévenu le Dr Mike Tildesley, un expert en maladies infectieuses qui conseille le gouvernement, sur la BBC.
LQ/AFP