L’homme qui a tué mercredi deux journalistes en direct sur une chaîne de télévision locale aux Etats-Unis et en a filmé la scène, a d’abord été arrêté, grièvement blessé par une tentative de suicide, avant de succomber à ses blessures à l’hôpital.
Le tueur à l’origine de ce drame sans précédent qui s’est déroulé mercredi aux États-Unis est un ancien collègue des journalistes. Il a auparavant justifié son geste dans un long manifeste décousu envoyé à la chaîne ABC, disant avoir souffert de discriminations parce qu’il était noir et homosexuel.
« Le suspect dans cette fusillade est mort à l’hôpital de Fairfax Inova dans le nord de la Virginie des conséquences d’une blessure par balle qu’il s’est lui-même infligée », a déclaré le shérif du comté de Franklin. Un peu plus tôt dans la journée, pris en chasse sur une autoroute, le tireur avait refusé de s’arrêter et avait accéléré. Quelques minutes plus tard, son véhicule avait quitté la route et s’était écrasé. Les policiers s’étaient approchés de son véhicule et l’avaient trouvé blessé par balle.
Le tireur avait lui-même filmé et diffusé la scène avant de tenter de se suicider. Il avait été donné pour mort dans un premier temps par la chaîne WDBJ7, où travaillaient les victimes, ainsi que plusieurs autres médias. Puis la chaîne de Virginie est revenue sur ses affirmations en rapportant qu’il était très grièvement blessé.
Sur la dernière vidéo de l’utilisateur du compte Twitter @bryce_williams7, on peut voir le tireur brandir un pistolet visant la journaliste qui, souriante, est en train d’interviewer une autre femme en veste blanche. Visiblement personne ne remarque l’arme brandie par le tireur, le caméraman lui tournant le dos pour filmer le paysage et la journaliste étant absorbée par son interview.
Le tueur abaisse ensuite brièvement sa caméra ou son téléphone portable vers le sol, avant de tirer huit coups de feu en direction de la reporter qui tente de fuir. Les images montrent clairement la main du tueur vêtu d’une chemise bleue à carreaux, tenant le pistolet.
Ce compte Twitter a depuis été suspendu. Le tueur aurait utilisé le nom de Bryce Williams pour son travail mais s’appelait en fait Vester Lee Flanigan et avait 41 ans, selon des médias locaux. « Nous pensons qu’il s’agit d’un employé mécontent de la chaîne », avait plus tôt indiqué le gouverneur de Virginie, Terry McAuliffe.
« Il a apparemment appelé un ami ou quelque chose, il était bouleversé », a-t-il déclaré sur la radio WTOP. Sur les images filmées par le caméraman de WDBJ7 avant d’être tué, on voit la journaliste interviewer une femme en extérieur, sur le balcon d’un immeuble au bord d’un lac dans la ville de Moneta, près de Roanoke en Virginie. On voit la journaliste crier lorsque des tirs sont entendus puis la caméra tombe au sol pendant que les coups de feu retentissent encore. La caméra continue de filmer les jambes du tireur.
Un arrêt sur image montre le suspect vêtu de couleur sombre, pointant l’arme vers le sol en direction de la caméra.
Les images du direct (attention les images peuvent heurter certaines sensibilités) :
Sur le plateau, la présentatrice de l’émission en direct réagit avec stupeur. « Je ne suis pas sûre de ce qui est arrivé là, nous vous informerons dès que nous saurons d’où ces sons venaient », dit-elle.
Les victimes ont été identifiés par le directeur général de WDBJ7, Jeffrey Marks, comme étant Alison Parker, âgée de 24 ans, et Adam Ward, 27 ans.
« Ils faisaient juste leur travail aujourd’hui », a déclaré Jeffrey Marks, apparaissant en direct sur un plateau de la chaîne peu après le drame avec d’autres journalistes de l’équipe. « Alison et Adam sont décédés ce matin peu après 06H45 quand les tirs ont été entendus », a déclaré Jeffrey Marks.
La réaction en plateau de la chaîne WDBJ7-TV (en anglais) :
Les deux journalistes tués étaient « chacun amoureux d’autres membres de l’équipe de WDBJ », selon le directeur de la chaîne. Un présentateur de la chaîne, Chris Hurst, a confié sur Twitter peu après les faits que lui et Alison Parker étaient « très amoureux ». Sur une photo de lui et de la victime, il écrit « nous venions juste d’emménager ensemble ». « Nous étions ensemble depuis près de neuf mois (…) Nous voulions nous marier (…) Nous venions juste de fêter ses 24 ans », ajoute-t-il. « Je suis sonné ».
« Elle travaillait avec Adam tous les jours. Ils formaient une équipe. J’ai le coeur brisé pour sa fiancée », a encore témoigné Chris Hurst, qui a envoyé quatre longs tweets peu après l’incident.
La femme qui était interviewée, Vicki Gardner, une responsable de la chambre de commerce locale, « a été gravement blessée pendant l’attaque », a indiqué le sénateur de Virginie Tim Kaine dans un communiqué.
AFP / S.A.
Le débat sur les armes à feu relancé
C’est non loin du lieu du drame qu’un homme avait abattu 32 personnes sur le campus de Virginia Tech en 2007 avant de se suicider. Il est très facile de se procurer une arme dans l’Etat de Virginie. Le meurtre des journalistes a relancé l’éternel débat sur le contrôle des armes à feu aux Etats-Unis.
« Deux journalistes tués en direct en Virginie aux Etats-Unis, c’est une scène tragique très rare dans un pays où des milliers de personnes sont tuées chaque année par armes à feu », a souligné Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué.
La candidate démocrate à la Maison Blanche Hillary Clinton s’est dite « dévastée et en colère » sur Twitter. « Nous devons agir pour arrêter la violence par armes à feu et nous ne pouvons plus attendre ».
La Maison Blanche a une nouvelle fois appelé jeudi le Congrès à légiférer pour mieux encadrer la vente et l’utilisation des armes à feu après la mort de deux journalistes abattus en direct.
Déplorant une « fusillade tragique », Josh Earnest, porte-parole de Barack Obama, a souligné que le Congrès pouvait prendre des mesures « de bon sens » pour limiter ce genre de drames, « trop fréquents » aux Etats-Unis.