Le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson rencontre jeudi à Mexico le président Enrique Peña Nieto en pleine crise diplomatique entre les deux pays, pour tenter d’apaiser les relations bilatérales malmenées par le nouveau président américain.
Cette visite, au côté du secrétaire à la Sécurité intérieure John Kelly, intervient un mois après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche dont le style, comme la politique migratoire et commerciale, ont déclenché la pire crise diplomatique entre les deux pays depuis des décennies.
Le magnat de l’immobilier, qui avait qualifié les migrants mexicains de « délinquants » et de « violeurs », a lancé le projet de construction d’un mur à la frontière promis durant sa campagne.
Faisant suite à un décret signé de sa main, des consignes ont été données mardi pour accélérer les expulsions d’immigrés illégaux, dont beaucoup sont originaires du Mexique.
M. Trump s’est par ailleurs engagé à renégocier, voire abroger, l’accord de libre-échange nord-américain Alena, trop favorable selon lui aux intérêts du Mexique.
Une renégociation à haut risque pour l’économie mexicaine – aux exportations orientées à 80% vers les Etats-Unis -, avec un peso qui a lourdement chuté au cours des derniers mois pour atteindre son plus bas historique.
S’efforçant de faire baisser la tension, les deux gouvernements ont assuré qu’ils avaient entamé un « dialogue constructif » depuis la visite du ministre mexicain des Affaires étrangères Luis Videgaray il y a deux semaines à Washington, où il a rencontré M. Tillerson.
« Il est significatif que le président envoie ces ministres au Mexique si tôt dans son mandat. C’est symbolique de la relation significative qui unit nos deux nations », a déclaré mercredi à Washington le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer.
Les deux gouvernements vont se réunir « pour améliorer la qualité de vie des peuples du Mexique et des Etats-Unis en combattant les trafiquants de drogue et en trouvant des façons de dynamiser nos deux économies à travers une relation plus large favorisant le commerce et l’immigration légale », a-t-il ajouté.
Le président Peña Nieto devrait se réunir à 13h00 heure locale (19h00 GMT) avec le secrétaire d’Etat américain. Plusieurs autres rencontres avec des ministres mexicains sont également au programme.
Devant l’insistance de M. Trump à vouloir faire payer le mur frontalier par son voisin du Sud – au besoin en taxant l’argent envoyé à leur famille par les Mexicains immigrés aux Etats-Unis -, M. Peña Nieto avait annulé une visite prévue le 31 janvier à Washington.
La mission est délicate pour le nouveau secrétaire d’Etat américain, qui effectue là son deuxième voyage à l’étranger.
Quelques heures avant l’arrivée de M. Tillerson à Mexico, M. Videgaray a rappelé que le Mexique refuserait de se voir imposer de façon unilatérale par les Etats-Unis des restrictions migratoires.
« Je veux dire clairement, de la façon la plus emphatique qui soit, que le gouvernement du Mexique et le peuple mexicain n’ont pas à accepter des dispositions qu’un gouvernement veut imposer de manière unilatérale à un autre », a-t-il asséné.
M. Videgaray a assuré que les mesures migratoires décidées par les Etats-Unis seraient un « thème fondamental » dans les discussions. Il a ajouté que son pays agirait « par tous les moyens légaux disponibles » pour défendre ses compatriotes vivant à l’étranger, au besoin en saisissant « les organismes internationaux ».
Selon Maureen Meyer, experte auprès de l’organisation américaine de défense des droits de l’Homme WOLA, « le secrétaire Tillerson a une opportunité d’établir des relations davantage basées sur le respect mutuel ».
« Nous sommes un grand allié pour lutter contre les migrations, le narcotrafic », a insisté le ministre mexicain de l’Economie Ildefonso Guajardo dans une interview samedi au quotidien canadien The Globe and Mail.
« Si à un moment la relation est malmenée, les motivations pour que le peuple mexicain poursuive sa collaboration sur ses questions au coeur de la sécurité diminueront », a-t-il déclaré.
Accusé de faiblesse par l’opposition de gauche, le gouvernement mexicain se retrouve également sous la pression de la rue après les propos incendiaires de M. Trump, qui ont suscité un regain de fierté nationale dans tout le pays.
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes du Mexique, il y a dix jours, pour dénoncer les projets de mur frontalier mais aussi appeler M. Peña Nieto à plus de fermeté face à M. Trump.
Vendredi dernier, ce sont des milliers de personnes, dont beaucoup de jeunes, qui ont formé un « mur humain » à la frontière.
Le Quotidien / AFP