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Le retrait américain de Syrie au menu de Moscou, Ankara et Téhéran


De gauche à droite : les présidents iranien, Hassan Rohani, russe, Vladimir Poutine, et turc, Recep Tayyip Erdogan. (photo AFP)

Les présidents russe, iranien et turc se sont félicités jeudi, lors d’une rencontre à Sotchi, du retrait annoncé des troupes américaines de Syrie, promettant de « renforcer leur coopération » pour mettre un terme au conflit.

Les trois dirigeants se sont retrouvés dans la station balnéaire du sud-ouest de la Russie pour des discussions visant à faire avancer le processus de paix en Syrie, où huit ans de guerre ont fait plus de 360000 morts. La Syrie est actuellement au centre d’un intense ballet diplomatique avec une réunion de la coalition anti-État islamique (EI) à Munich, en Allemagne, et une conférence sur le Proche-Orient à Varsovie en présence du vice-président américain, Mike Pence, et du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

À Sotchi, les discussions ont « tourné sur l’influence qu’aura l’annonce du plan des États-Unis de retrait des troupes américains des régions nord-est du pays sur le développement futur de la situation en Syrie », a déclaré le président russe. « Notre point de vue commun est que la réalisation de cette étape serait un point positif qui aiderait à stabiliser la situation dans la région », a ajouté  Poutine.

Le sort de la province d’Idleb au cœur des discussions

Le sort de la province syrienne d’Idleb (nord-ouest), seule région syrienne toujours aux mains des rebelles, a également été au cœur des discussions. Les trois dirigeants ont ainsi convenu de prendre des « mesures concrètes » pour stabiliser la situation dans la zone, qui fait depuis des semaines l’objet de frappes sporadiques.

« Nous ne voulons pas que de nouvelles crises humanitaires, que de nouvelles catastrophes surviennent à Idleb ou ailleurs en Syrie », a affirmé le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ajoutant s’attendre à ce que le régime de Damas « respecte la trêve ». Il a ajouté que la Russie et la Turquie avaient conclu un « accord » pour mener des « patrouilles communes » afin de contenir les « groupes radicaux » dans la province d’Idleb, sans donner plus de détails.

« Aujourd’hui, pratiquement sur l’ensemble du territoire syrien, le régime de cessez-le-feu est observé, le niveau des violences baisse progressivement. Et c’est un résultat concret et positif de notre travail commun », a déclaré Poutine en ouvrant la rencontre. Lors du sommet, Vladimir Poutine a souligné la nécessité pour Moscou, Ankara et Téhéran de se mettre d’accord sur les mesures visant à assurer une « désescalade définitive » à Idleb.

Si le cessez-le-feu semble tenir, « cela ne veut pas dire que nous devons tolérer la présence de groupes terroristes à Idleb », a-t-il indiqué, appelant à examiner « les mesures concrètes que la Russie, la Turquie et l’Iran pourraient prendre ensemble pour éliminer définitivement ce foyer terroriste ».

Des divergences flagrantes lors du dernier sommet

Le dernier sommet entre les présidents iranien, turc et russe, organisé en septembre en Iran, avait fait apparaître au grand jour leurs divergences concernant le sort d’Idleb. Il avait fallu une nouvelle rencontre entre  Poutine et Erdogan pour éviter l’assaut souhaité par le régime syrien : une « zone démilitarisée » russo-turque avait été créée dans cette enclave où cohabitent des factions rebelles et qui échappe au contrôle des forces de Bachar al-Assad.

En vertu de l’accord russo-turc, tous les combattants radicaux, notamment les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), dominé par l’ex-branche d’Al-Qaïda, devaient se retirer de la zone. Mais le HTS a depuis renforcé son emprise et contrôle « plus de 90% du territoire de l’enclave », selon le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

Erdogan appelle au départ des combattants kurdes

Erdogan a également appelé au départ des combattants kurdes présents dans le nord-est de la Syrie. Selon lui, « l’intégrité territoriale de la Syrie ne pourra pas être assurée et la région rendue à ses vrais propriétaires » tant qu’ils seront dans la région. Ankara considère les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) comme un groupe terroriste.

Celles-ci contrôlent la ville stratégique de Minbej et les zones syriennes à l’est de l’Euphrate depuis qu’elles en ont exclu les jihadistes de l’organisation État islamique (EI). Avec l’appui des combattants arabes des Forces démocratiques syriennes (FDS) et de la coalition américaine menée par Washington, les YPG ont acculé les jihadistes de l’EI sur un territoire d’à peine plus d’un kilomètre carré sur le point de tomber.

La Russie s’est imposée comme un acteur incontournable du conflit depuis le début de son intervention militaire en 2015 en soutien au régime de Bachar al-Assad, qui contrôle désormais près des deux tiers du pays. Le processus d’Astana, lancé à l’initiative de Moscou avec l’Iran et la Turquie, a éclipsé les négociations parrainées par l’ONU, sans parvenir à un règlement définitif du conflit.

AFP