Le régime syrien continue de pourchasser les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) au surlendemain de la reprise de Palmyre (centre), victoire majeure pour l’armée qui veut extirper cette organisation de ses principaux fiefs en Syrie.
«Cinq ans» seront nécessaires pour réhabiliter les monuments endommagés ou détruits de cette cité antique classée au patrimoine mondial de l’Humanité, selon le chef des Antiquités syriennes, Maamoun Abdelkarim. A Washington, le département d’Etat a qualifié lundi de «bonne chose» la défaite de l’EI à Palmyre, sans toutefois féliciter le président syrien Bachar al-Assad dont les États-Unis souhaitent la chute. Fort de son succès le plus important face à l’EI, forgé avec la Russie et des milices prorégime, Damas veut maintenant sécuriser Palmyre pour éviter une contre-offensive des jihadistes qui la contrôlaient depuis mai 2015.
Une source militaire syrienne a indiqué que des opérations militaires avaient commencé à al-Qaryatayn, à l’ouest de Palmyre. «C’est le prochain objectif de l’armée, qui a également les yeux rivés sur Sokhné», à l’Est, a-t-elle ajouté. Si le régime s’emparait de Sokhné, il serait aux portes de la province pétrolière de Deir Ezzor (est), contrôlée en grande partie par le groupe jihadiste.
Le commandement militaire syrien a affirmé que Palmyre serait «la base à partir de laquelle s’étendront les opérations contre le groupe terroriste, notamment à Deir Ezzor et Raqa (nord)», le but étant de «mettre fin à l’existence» de l’EI en Syrie. Les forces prorégime vont en outre chercher à déloger l’EI de la localité d’Al-Alianiyé, au sud de Palmyre, pour avancer vers la frontière avec l’Irak, contrôlée en grande partie par les jihadistes.
L’EI «plus faible»
Pour Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie, «l’EI est évidemment plus faible que par le passé», mais «se battra avec beaucoup plus de détermination pour garder Raqa, sa capitale de fait, et Deir Ezzor, la plus grande ville qu’il contrôle en Syrie et sa porte vers l’Irak».
Bachar al-Assad a salué «l’efficacité de la stratégie de l’armée et de ses alliés» et sa satisfaction a été partagée par la Russie et l’Iran, qui a qualifié la prise de Palmyre d’«admirable». «Le gouvernement et les forces armées (iraniens) vont poursuivre leur soutien total» à la Syrie, a affirmé Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale en Iran.
Membre de la Coalition nationale syrienne (CNS), la principale formation de l’opposition syrienne en exil, Hadi al-Bahra a lui estimé que si le régime syrien était réellement sérieux dans sa volonté de combattre l’EI, il aurait empêché les jihadistes de s’emparer de Palmyre il y a 10 mois.
«Depuis le départ, la stratégie du régime est de permettre à la menace que représente Daech (acronyme en arabe de l’EI) de croître afin de pouvoir dire à l’Occident que ce sera lui ou Daech», a-t-il dit. A Washington, le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, a reçu son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu, et déclaré que leurs deux pays allaient «faire davantage pression» sur l’EI.
Mais Ankara et Washington sont divisés sur le dossier syrien, notamment en ce qui concerne notamment les Kurdes, et un responsable américain a fait savoir qu’il n’y aurait pas de rencontre bilatérale entre les présidents Barack Obama et Recep Tayyip Erdogan lors d’un sommet sur la sécurité nucléaire en fin de semaine.
Amas de pierre
Dans «la perle du désert syrien», les quartiers résidentiels ressemblaient à une ville fantôme, la quasi-totalité des habitants ayant fui les bombardements. Le site antique vieux de plus de 2 000 ans porte les stigmates des ravages de l’EI, qui a détruit deux de ses plus beaux temples, son Arc de triomphe et des tours funéraires. Les temples de Bêl et de Baalshamin ne sont plus qu’un amas de pierres. «Je suis très perplexe sur la capacité de rebâtir le site de Palmyre, même avec l’aide internationale», a déclaré Annie Sartre-Fauriat, membre du groupe d’experts de l’Unesco pour le patrimoine syrien.
En 20 jours de combats à Palmyre, l’EI a perdu 400 jihadistes, soit le bilan le plus lourd «dans une seule bataille depuis l’émergence» du groupe dans le conflit en 2013, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. D’après l’Observatoire, 188 membres des forces prorégime y ont péri. Déclenchée en 2011, la révolte en Syrie contre le régime de Bachar al-Assad s’est muée en une guerre dévastatrice aux multiples intervenants, qui a fait plus de 270 000 morts et chassé la moitié de la population de ses foyers.
En Irak, l’EI est aussi la cible d’une vaste offensive de l’armée qui cherche à reprendre son fief de Mossoul (nord), avec le soutien de la coalition internationale dirigée par les États-Unis.
Le Quotidien/AFP