Cinq ans après l’incendie de juin 2017 à Pedrogao Grande, le plus meurtrier qu’ait connu le Portugal, le pays est suspendu au verdict, attendu mardi, contre les onze accusés d’homicide par négligence.
Un commandant des pompiers, des employés d’un fournisseur d’électricité et d’un gestionnaire routier ainsi que plusieurs élus locaux connaîtront leur sort au cours de l’audience qui s’est ouverte vers 09H30 GMT au tribunal de Leira (centre) dans une salle comble, où siégeait les prévenus et plusieurs proches des victimes.
Ils sont accusés d’avoir manqué à leur devoir dans le combat et la prévention de l’incendie qui a fait 63 morts et 44 blessés dans cette région située à près de 200 kilomètres au nord de Lisbonne.
L’année 2017 reste un mauvais souvenir pour les Portugais car, après une nouvelle vague d’incendies à la mi-octobre, le bilan des feux de forêt s’était alourdi à un total de 117 morts. Le parquet a requis de la prison ferme, ce qui au Portugal équivaut à une peine d’au moins cinq ans de réclusion, pour cinq des prévenus.
« Nous espérons que le résultat du procès viendra apaiser les familles », avait déclaré lundi à l’AFP la présidente de l’Association des victimes, Dina Duarte, qui n’était pas présente au tribunal.
Décharge électrique
Tout en reconnaissant qu' »aucun pays n’aurait été préparé » à affronter un incendie d’une telle violence, elle estime que « toute la ligne de commandement devrait être jugée », et pas seulement ceux qui étaient sur le terrain. Commandant des pompiers de Pedrogao Grande à l’époque des faits, Augusto Arnaut est notamment accusé d’avoir tardé à mobiliser les moyens qui auraient pu permettre de maîtriser l’incendie à ses débuts, avant qu’il ne ravage 24.000 hectares en cinq jours.
« Nous savons bien qu’il est innocent et qu’il n’aurait pas pu faire mieux », a pourtant commenté la Ligue des pompiers portugais, dans un communiqué publié lundi. Mardi, environ une centaine de pompiers en uniforme se sont rassemblés devant le palais de justice en formant une haie d’honneur pour exprimer leur solidarité « silencieuse », a constaté un journaliste de l’AFP.
Trois cadres du gestionnaire routier Ascendi risquent eux aussi la prison. D’après le ministère public, ils ont manqué à leur responsabilité d’assurer le déboisement des bas-côtés d’une route nationale où sont mortes une quarantaine de personnes, carbonisées dans leurs véhicules alors qu’elles tentaient de fuir les flammes.
Un employé de la société de distribution d’électricité pourrait lui aussi écoper d’une lourde peine, car l’incendie a été provoqué par une décharge électrique au-dessus d’une zone couverte de broussailles sèches.
Forêts « à l’abandon »
Plusieurs responsables des mairies de Pedrogao Grande, Castanheira de Pera et Figueiro dos Vinhos, les municipalités les plus touchées par le feu, sont également mis en cause pour avoir manqué à leur devoir de garantir un bon entretien de la forêt aux abords des routes et du réseau électrique.
Le Premier ministre portugais Antonio Costa a reconnu que la responsabilité de l’Etat avait été engagée et les familles des victimes des incendies de juin et d’octobre ont été indemnisées à hauteur de 31 millions d’euros au total. Le chef du gouvernement socialiste avait alors assuré que rien ne serait « comme avant » en matière de lutte contre les feux de forêt, promettant par exemple d’enfouir les lignes électriques ou de promouvoir la professionnalisation des pompiers, qui restent en majorité volontaires.
Cependant, à Pedrogao Grande, « la situation est pire qu’en 2017, avec de nombreux terrains forestiers laissés à l’abandon », dénonce à l’AFP l’ingénieur forestier Paulo Pimenta de Castro.
Et, « au niveau du combat aux incendies, il n’y a pas eu de réforme structurelle, juste des changements cosmétiques », affirme-t-il en citant l’exemple du feu de forêt qui a ravagé cet été 24.000 hectares en plein parc naturel de la Serra da Estrela (centre), sans faire de mort.