La page de l’austérité sera-t-elle tournée ? La gauche portugaise, unie pour la première fois depuis 40 ans, a provoqué mardi la chute du gouvernement minoritaire de droite, sous l’œil inquiet des marchés financiers.
Il reviendra désormais au président Anibal Cavaco Silva de décider s’il nomme un Premier ministre de gauche, alors que ce conservateur n’a jamais caché sa réticence face à un tel scénario. Une motion rejetant le programme du gouvernement de droite a été adoptée par les 123 députés de l’opposition, contre 107 voix à la droite, entraînant ainsi sa démission à peine onze jours après son entrée en fonctions.
Le gouvernement de Pedro Passos Coelho, dont la coalition de droite était pourtant arrivée en tête des élections législatives du 4 octobre, entre ainsi dans l’histoire comme l’exécutif le plus éphémère du Portugal. « Il est possible de tourner la page de l’austérité dans le cadre de la zone euro », a assuré à l’issue du vote le secrétaire général du Parti socialiste Antonio Costa, qui brigue la place de Premier ministre.
« Le Parti socialiste a fait un choix radical, préférant se joindre à des minorités qui l’ont toujours combattu », a regretté Pedro Passos Coelho. « Ce n’est pas tous les jours que l’on quitte le gouvernement en ayant obtenu le soutien des électeurs ». Antonio Costa a signé trois accords distincts avec le Bloc de gauche, proche de Syriza au pouvoir en Grèce, le Parti communiste et les Verts, qui jettent les bases d’une alliance, certes fragile, soutenant un gouvernement du PS.
Le spectre de la troïka agité
La balle repasse ainsi dans le camp du président. Faute de pouvoir dissoudre le Parlement pendant six mois, il peut soit charger Antonio Costa de former le gouvernement, soit décider de laisser Pedro Passos Coelho expédier les affaires courantes en attendant de nouvelles élections. « Avec l’alliance en place, le président sera certainement obligé de donner à la gauche une chance de gouverner », commentent les analystes.
Longtemps considéré comme l’élève modèle de la zone euro prompt à appliquer la rigueur budgétaire réclamée par Bruxelles, le Portugal est entré à nouveau dans une zone de turbulences, un an et demi après sa sortie d’un plan de sauvetage financier.
Reflet d’un pays divisé, environ 5 000 partisans de la gauche et près de 2 000 de la droite ont manifesté dans une ambiance électrique devant le Parlement à Lisbonne, les uns pour saluer le départ du gouvernement, les autres pour s’y opposer. Dans l’hémicycle aussi, le climat était tendu. « Si la confiance des investisseurs se brise, la menace d’une banqueroute redevient réelle », a lancé la ministre des Finances Maria Luis Albuquerque, agitant le spectre d’un retour de la troïka des créanciers (UE-BCE-FMI).
AFP/A.P