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Le Portugal, fleuron européen du cannabis médical


Une plantation de cannabis, dans le sud du Portugal. (photo AFP)

Il fait encore si chaud à la mi-septembre dans le sud-est du Portugal qu’une trentaine d’ouvriers agricoles ne travaillent que pendant la matinée à la récolte de fleurs de cannabis à usage thérapeutique, filière émergente où le pays ibérique fait figure de pionnier en Europe.

Il fait encore si chaud à la mi-septembre dans le sud-est du Portugal qu’une trentaine d’ouvriers agricoles ne travaillent que pendant la matinée à la récolte de fleurs de cannabis à usage thérapeutique, filière émergente dans le pays.

«Aucun autre pays en Europe ne dispose de meilleures conditions environnementales que nous. Nous devrions être le nouvel Eldorado de la production de cannabis médical», se félicite José Martins, agronome en charge de cette plantation à l’air libre de 5,4 hectares, située dans la commune de Serpa.

Au beau milieu de paisibles collines clairsemées d’oliviers et de chênes-liège, mais entouré de haut grillages à fil de fer barbelé et surveillé par des caméras à infra-rouges, le site produit environ 30 tonnes de fleurs de cannabis par an, avec des coûts énergétiques inférieurs aux cultures sous serre.

L’exploitation appartient à l’entreprise pharmaceutique portugaise FAI Therapeutics, créée en 2022 par le groupe Iberfar pour se lancer dans la production de cannabis médical et emboîter le pas aux sociétés étrangères déjà implantées au Portugal en raison de son climat et sa législation favorables.

«Le Portugal est clairement aux avant-postes européens en ce qui concerne les pays producteurs de cannabis à usage médical», assure José Tempero, directeur médical de la multinationale canadienne Tilray, qui s’est installée en 2019 à Cantanhede (centre).

«Demande énorme»

Avec ses 4,4 hectares de serres pouvant produire jusqu’à 27 tonnes de cannabis par an, le site, doté de ses propres laboratoires ainsi que des moyens de sécher les fleurs et en extraire des huiles, exporte sa production vers plusieurs pays d’Europe ou d’Amérique latine, et même l’Australie.

La légalisation du cannabis récréatif reste rare dans le monde, mais l’usage médical de cette plante psychotrope est autorisé dans une cinquantaine de pays pour traiter des douleurs chroniques, les effets secondaires de la chimiothérapie ou certaines formes d’épilepsie.

«Il y a une demande énorme de la part des patients», affirme le patron de l’entreprise allemande Avextra, Bernhard Babel, qui développe également une partie de ses activités au Portugal.

Le choix du pays ibérique s’est imposé car il offre «probablement le meilleur environnement» pour cette filière en Europe, en raison surtout de son climat et d’un «très bon cadre réglementaire» mis en place dès 2019, précise-t-il.

«C’est grâce à cela que les produits qui sortent du pays offrent des garanties de sécurité» aux marchés internationaux, abonde Pedro Ferraz da Costa, PDG d’Iberfar, qui détient la plantation à l’air libre de Serpa.

Selon le cabinet Grand View Research, le marché mondial du cannabis médical valait 16,6 milliards de dollars en 2023 et pourrait dépasser les 65 milliards USD en 2030, tandis que la part de l’Europe pourrait bondir de 226 millions de dollars l’an dernier à plus de 1,2 milliard à la fin de la décennie.

«Acceptation croissante»

Le Portugal a exporté en 2023 près de 12 tonnes de produits médicaux extraits du cannabis, principalement vers l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne et l’Australie, d’après l’Autorité nationale du médicament (Infarmed), qui ne précise pas la production totale du pays.

D’après des données remontant à mai, plus d’une soixantaine d’entreprises étaient alors autorisées à opérer au stade de la culture, de la production de dérivés ou de leur distribution, et environ 170 autres sociétés en avaient déjà fait la demande.

Malgré la légalisation du cannabis médical et le développement d’une filière de production, les patients portugais se plaignent d’un difficile accès à ce type de thérapies, non remboursées par la sécurité sociale et prescrites par peu de médecins.

«Il y a un manque d’information» au sein du corps médical de ce pays «très conservateur», regrette Lara Silva, dont la fille de 6 ans souffre d’une forme grave d’épilepsie qui a entravé son développement moteur et cognitif.

Il y a deux ans, cette mère de famille de 39 ans habitant près de Coimbra (centre) a elle-même pris l’initiative de soigner la petite Sofia avec du CBD, un des dérivés du cannabis qu’elle doit commander depuis l’Espagne, et constaté des améliorations «du jour au lendemain».

Selon le directeur médical de Tilray, José Tempero, le cannabis médical pâtit toujours d’une certaine «stigmatisation», mais il constate aussi «une acceptation croissante du cannabis au-delà de son usage récréatif».