Le Parlement britannique a approuvé mercredi le projet de la Première ministre conservatrice Theresa May de tenir des législatives anticipées le 8 juin dans le but d’avoir « une meilleure main » pour négocier le Brexit.
Les députés ont validé l’organisation du scrutin, que Theresa May avait appelé de ses vœux la veille, par 522 voix contre 13 après une heure et demie de débats.
Mme May, dont l’annonce a pris tout le monde de court mardi, avait besoin de l’aval des deux tiers de la chambre basse du Parlement de Westminster pour appeler les Britanniques aux urnes avec trois ans d’avance.
Le feu vert des députés était attendu puisque les principaux partis d’opposition ont indiqué qu’ils approuvaient l’organisation du scrutin. Jeremy Corbyn, le chef du Parti travailliste, avait immédiatement annoncé qu’il y était favorable, même s’il joue sa tête en cas de déroute du Labour.
Les travaillistes sont en effet distancés de plus de 20 points par les conservateurs dans les derniers sondages. Une faiblesse dont Mme May veut profiter pour conforter sa majorité de 17 sièges.
Les premières projections indiquent que les Tories pourraient porter leur majorité à plus de 100 députés, dans une Chambre des Communes qui compte 650 sièges.
« Nous allons nous battre pour chaque voix. Chaque vote pour les conservateurs rendra la tâche plus difficile à ceux qui veulent m’empêcher de faire le boulot », a souligné Mme May devant le Parlement, en demandant « un mandat pour mener à bien le Brexit et en faire un succès ».
Plusieurs députés travaillistes ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne se représentaient pas. L’ancien ministre conservateur des Finances, George Osborne, se met lui aussi en retrait pour se consacrer à son nouveau travail de rédacteur en chef du quotidien londonien The Evening Standard.
Mme May avait démenti pendant des mois vouloir bouleverser le calendrier électoral et n’a donc pas échappé aux accusations d’opportunisme, même si elle a assuré que ses opposants ne lui avaient pas laissé le choix.
Malgré le soutien apporté en mars par le Parlement au déclenchement de la procédure de divorce avec l’UE, elle dit craindre des blocages qui affaibliront la position de Londres dans les négociations avec Bruxelles, qui doivent démarrer début juin.
« Les partis d’opposition avaient l’intention d’entraver le processus du Brexit », a-t-elle déclaré mercredi à BBC Radio 4. Des élections anticipées « vont permettre d’avoir une meilleure main dans les négociations » avec l’UE, a-t-elle ajouté.
Mais pour un diplomate européen, « la bonne nouvelle côté européen, c’est que du coup elle sera moins fragile pour encaisser toutes les concessions qu’elle devra faire ».
Pour la Commission de Bruxelles, ces élections ne modifient pas le calendrier. « Les négociations devaient commencer au mois de juin de toute façon », a indiqué son porte-parole en chef, Margaritis Schinas.
Le quotidien The Guardian estime qu’avec ce scrutin anticipé Mme May veut montrer que le Brexit est irréversible. Tim Farron, le chef du parti libéral-démocrate, pro-UE, préfère y voir une « chance pour changer la direction » prise par le Royaume-Uni et « éviter le désastre d’un Brexit dur », impliquant une sortie du marché unique.
En réponse, le tabloïd europhobe Daily Mail a appelé en Une à « écraser les saboteurs » pro-UE.
Le jeu n’est pourtant pas dénué de risques pour Mme May, en particulier en Ecosse où le Parti national écossais (SNP, au pouvoir), pro-UE, compte utiliser le scrutin pour légitimer le nouveau référendum d’indépendance qu’il réclame.
« Si le SNP l’emporte dans les circonscriptions écossaises, la tentative de Theresa May de bloquer » le référendum « se réduira en poussière », a tonné la Première ministre de l’Ecosse, Nicola Sturgeon, devant le Parlement de Westminster.
Mme May pourrait aussi être confrontée à la lassitude des électeurs, qui vont connaître leur quatrième vote crucial en quatre ans, après le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse en 2014, les législatives de 2015 et le référendum sur le Brexit en juin 2016.
Alors que la campagne électorale n’est même pas encore lancée, Mme May a déjà provoqué la polémique en déclarant qu’elle ne prendrait pas part à un débat télévisé avec les autres chefs de partis, qui l’ont accusée de « déni démocratique ».
Le Quotidien / AFP