Le pape François a célébré mardi en Suède une messe de la Toussaint pour la minuscule communauté catholique qui défend la tradition dans ce pays ultra-sécularisé où même les pasteurs, hommes ou femmes, vivent ouvertement leur homosexualité.
La veille, il avait participé au lancement de l’année du 500e anniversaire de la Réforme protestante de Martin Luther, excommunié au 16e siècle. Dans la cathédrale de Lund (sud), le pontif et les représentants mondiaux luthériens ont exprimé leurs profonds regrets face aux massacres et préjugés issus du schisme entre chrétiens voici cinq siècles, appelant à poursuivre le dialogue vers l’unité.
La concorde affichée masque encore des différends doctrinaux et liturgiques importants. A commencer par la messe papale de mardi célébrant «tous les saints», dont seuls ceux présents dans la Bible sont en général reconnus par les luthériens.
Devant 15 000 fidèles, dont de nombreux migrants et convertis qui font le dynamisme de l’Eglise catholique en Suède, le pape a prôné «la douceur» qui «permet de laisser de côté tout ce qui nous divise et nous oppose». «Un signe très éloquent est que ce soit ici, dans votre pays, caractérisé par la cohabitation entre des populations très diverses, que nous sommes en train de commémorer ensemble le cinquième centenaire de la Réforme». Le pontife argentin s’est exprimé en latin et espagnol, sa langue maternelle, dans un grand stade de Malmö (sud), la troisième ville du pays dotée d’une large population immigrée, avant de repartir à la mi-journée pour le Vatican.
Si les propos mesurés du Saint-Père sur l’homosexualité et les droits des femmes lui valent une image de pape «moderne», un gouffre sépare le Vatican des moeurs libérales suédoises. En Suède, le ministère pastoral est ouvert aux femmes depuis 1960, les pasteurs peuvent marier des couples gays depuis 2009 et peuvent eux-mêmes convoler en justes et religieuses noces avec un partenaire du même sexe. Les couples homosexuels ont accès à la procréation médicale assistée, un épouvantail pour beaucoup de catholiques.
L’Église catholique de Suède revendique 113 000 membres (1,1% de la population), contre 87.000 en 2000, mais estime le nombre réel de catholiques dans le pays à 150.000. Elle passe parfois pour une «place forte» de la doctrine chrétienne dans un pays peu religieux et qui a élevé au rang de vertus cardinales la tolérance, l’égalité entre les sexes et la promotion des droits des minorités sexuelles.
« Mère des Eglises »
Anders Arborelius, unique archevêque catholique de Suède, sait gré au Vatican de maintenir la tradition envers et contre les réformes sociétales dont la Suède s’est faite la championne. Ce pape «vient d’un autre continent et a des façons bien à lui de s’exprimer qui peuvent expliquer qu’il soit perçu comme progressiste, plus ouvert à la diversité des modes de vie», avance ce converti. Pour autant «on ne peut pas dire qu’il ait modifié en aucune façon la doctrine» de l’Eglise catholique sur la famille, la parentalité, l’homosexualité ou l’ordination des femmes».
Henrik Glamsjö, pasteur venu avec femme et enfants assister à l’office en plein air, exprime le malaise de certains luthériens qui, comme lui ont fait le choix de la conversion. «L’Eglise de Suède est contrôlée par les politiques. Ils interfèrent dans la liturgie», déplore-t-il. «L’Eglise catholique est l’Eglise mondiale, c’est l’Eglise originelle, la mère des Eglises». Et l’ecclésiastique désapprouve le mariage gay: «Le mariage est un sacrement».
Ingeborg Stenström, une fidèle suédoise d’origine allemande, souhaite de son côté que son Église puisse évoluer en matière de moeurs. «Les catholiques doivent changer. Nous avons besoin de femmes prêtres», estime-t-elle. L’Église luthérienne de Suède compte 6,2 millions de fidèles enregistrés et acquittant l’impôt religieux, soit 62% de la population. Mais pratique et croyance sont parmi les plus faibles du monde, et l’Église majoritaire a perdu plus de 550 000 fidèles en dix ans. L’Église catholique, elle, recrute à tour de bras.
Aujourd’hui «le nombre de membres progresse de 3 à 4% par an, principalement en raison de l’immigration», indique le responsable du registre des fidèles, Michel Louis, d’origine libanaise. «Historiquement il y a eu différentes vagues. Actuellement, les fidèles viennent des pays touchés par la guerre, Syrie et Irak, dans les années 80 du Liban, dans les années 60 et 70 d’Amérique latine».
Le Quotidien/afp