Accueil | Monde | Le pape appelle à ne pas traiter les migrants comme des marchandises

Le pape appelle à ne pas traiter les migrants comme des marchandises


Pendant sa visite, François a pourfendu aussi des maux italiens: "non à la corruption, qui est aujourd'hui si fréquente qu'elle semble devenue un comportement normal, non aux collusions mafieuses, aux escroqueries, aux pots-de vin". (photo AFP)

Le pape François a appelé les Occidentaux à ne pas traiter les migrants comme des « marchandises » et a dénoncé les collusions mafieuses ainsi que la corruption quasi « normale » en Italie, dimanche lors de sa première visite à Turin.

« Le spectacle des derniers jours de ces êtres humains traités comme des marchandises fait pleurer », a lancé le pape qui s’adressait à des représentants du monde du travail, sur la Piazzetta Reale. Au moment où l’Union européenne est divisée sur leur accueil, Jorge Bergoglio a une nouvelle fois condamné les manifestations de rejet des immigrés, particulièrement perceptibles dans le nord industriel italien.

« Si l’immigration accroît la concurrence, les migrants ne peuvent en être tenus pour coupables car ils sont victimes de l’injustice, de l’économie du rejet et des guerres », a estimé le pape. Le souverain pontife était à Turin à l’occasion de « l’ostention » (exposition au public) du Saint-Suaire dans la cathédrale Saint-Jean Baptiste, qui prend fin le 24 juin.

Le Saint-Suaire, une icône

Cette pièce de lin, qui aurait enveloppé le corps du Christ crucifié, fait l’objet d’une grande dévotion en Italie, même si l’Eglise n’en fait pas un objet de foi, admettant ainsi la valeur des études qui datent sa fabrication du Moyen-Age. Depuis le 19 avril, 1,2 million de visiteurs sont venus voir le Saint-Suaire que François, comme ses prédécesseurs, a prudemment qualifié d' »icône », représentation qui permet aux croyants de s’approcher du mystère de la Passion du Christ.

« Le Suaire attire vers le visage et le corps martyrisé de Jésus et, en même temps, nous amène à considérer le visage de toute personne souffrante et injustement persécutée », a déclaré le pape. Pendant sa visite, François a pourfendu aussi des maux italiens: « non à la corruption, qui est aujourd’hui si fréquente qu’elle semble devenue un comportement normal, non aux collusions mafieuses, aux escroqueries, aux pots-de vin ».

« Non aussi à une économie de la mise au rebut », a-t-il ajouté, en déplorant que celui qui aujourd’hui ne produit plus est vite exclu selon le modèle « consommer et jeter ».

Contre un taux de natalité zéro

A Turin, « les exclus qui vivent dans la pauvreté absolue représentent environ 10% de la population. On exclut les enfants –un taux de natalité zéro!– on exclut les personnes âgées, et désormais on exclut les jeunes: plus de 40% de jeunes sont sans emploi », a dénoncé le pape. « Les enfants et les personnes âgées sont la promesse et la richesse d’un peuple », a-t-il dit, appelant les Italiens à « ne pas se résigner » et avoir « courage » malgré la crise: « Osez, allez de l’avant, soyez créatifs ».

Lors de l’Angelus, le pape a eu son plus grand succès en se déclarant « petit-fils de cette terre bénite » du Piémont, devant quelque 60 000 fidèles enthousiastes rassemblés sur la place Vittorio, au coeur de la cité. La famille paternelle du pape, né à Buenos Aires en 1936, avait immigré en Argentine depuis Portocomaro, une bourgade du Piémont, près d’Asti.

François est aussi allé droit au coeur des Piémontais en évoquant des symboles forts de la culture régionale, dont sa grande-mère Rosa lui parlait quand il était enfant. Des applaudissements l’ont interrompu quand il a invoqué la « Consola », Vierge populaire de Turin, « massive et sans artifice », et cité un poème de l’écrivain local Nino Costa, qui décrit les émigrés piémontais vers l’Argentine « qui ont des têtes dures », « parlent peu mais savent ce qu’ils disent » et « cheminent adagio (lentement) mais vont loin ».

Maria, 66 ans, retraitée, était heureuse de voir ce pape qui « n’est pas hypocrite »: « J’espère que l’entourage, ces politiciens du Vatican, le laisseront travailler » à réformer l’Eglise. Avec un déjeuner privé avec des détenus, des sans logis et une famille rom, Jorge Bergoglio a honoré le saint local Giovanni Bosco, à l’occasion de son 200e anniversaire. Ce prêtre, surnommé « l’apôtre des jeunes » et à l’origine de la congrégation des Salésiens, s’est consacré à l’éducation des enfants défavorisés.

AFP