La justice britannique a commencé à se pencher ce lundi sur le mystérieux naufrage du Bugaled Breizh, un chalutier français qui avait sombré en moins d’une minute en 2004 au large de l’Angleterre, emportant par le fond ses cinq membres d’équipage.
Près de 18 ans après la tragédie, cette enquête publique, prévue devant la Haute Cour jusqu’au 22 octobre à Londres, nourrit l’espoir des familles des cinq marins bretons d’enfin connaître la vérité. Depuis le début, elles estiment que le chalutier a coulé après avoir été accroché par un sous-marin militaire : il se trouvait dans une zone où se déroulaient des exercices militaires de l’OTAN et de la Royal Navy.
« Si le ministère de la Défense britannique ou l’OTAN dit ‘on a couvert des choses effectivement, on s’excuse et on règle l’affaire’, moi je rentre à la maison, je n’embête plus personne et vous n’entendrez plus jamais parler de moi », a confié le fils d’un des marins, Thierry Lemétayer, regrettant que le secret-défense ait toujours été opposé aux familles.
L’hypothèse du sous-marin n’a jamais pu être confirmée par la justice française au terme d’une très longue procédure, non concluante.
Parmi les dizaines de témoignages prévus durant les trois semaines d’audience – marins, secouristes, experts maritimes, militaires –, il y aura celui, le 12 octobre, de l’ancien commandant du sous-marin nucléaire britannique HMS Turbulent, Andrew Coles, bâtiment soupçonné d’avoir joué un rôle dans le naufrage.
Le 15 janvier 2004, le Bugaled Breizh (« Enfants de Bretagne » en breton), un chalutier de Loctudy (Finistère), avait sombré en moins d’une minute dans des conditions météorologiques plutôt bonnes, au large des Cornouailles (sud-ouest de l’Angleterre). L’équipage avait été emporté par le fond.
Seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés – le premier dans l’épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux britanniques – et c’est sur la mort de ces deux derniers que se concentre l’enquête britannique. Georges Lemétayer et Eric Guillamet ont été portés disparus en mer.
« Vérité », pas « vengeance »
L’objectif de la procédure au Royaume-Uni est d’éclaircir les causes des décès, inexpliqués, sans toutefois prononcer de condamnations. « Les familles des victimes sont des familles de marins et elles ne pourront construire un deuil que quand elles sauront comment sont morts leurs proches », a confié Dominique Tricaud, avocat des familles.
« On ne peut pas construire un deuil sans savoir et sur des mensonges », a-t-il ajouté. « Les familles ne sont pas dans un esprit de vengeance, les familles sont dans un esprit de vérité. Nous ne voulons envoyer personne en prison, nous n’attendons pas d’argent de ce procès, nous voulons simplement que soit admis que l’armée britannique est responsable du naufrage du Bugaled Breizh« .
Le ministère britannique de la Défense et la Royal Navy ont démenti toute implication d’un sous-marin britannique.
En 2016, la justice française avait définitivement mis fin à son enquête dans cette affaire, incapable de trancher entre l’hypothèse d’un sous-marin et celle, mise en avant dix ans plus tôt par le Bureau français d’enquêtes (BEAmer), d’un accident de pêche. D’autres hypothèses avaient été évoquées puis abandonnées, comme la collision avec un cargo.
En Angleterre, une procédure avait été lancée devant la justice britannique, à Truro en Cornouailles, en raison des deux corps ayant été repêchés par les Britanniques. Elle avait été ajournée en 2020 en raison notamment de la pandémie, avant d’être transférée à Londres.
Lors d’une audience préliminaire en mars, le juge chargé de l’affaire, Nigel Lickley, avait assuré qu’il mènerait une « enquête complète, rigoureuse et juste ».
LQ