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Le long déclin : les Balkans décimés par une émigration massive


Les villages et petites localités offrent peu d'opportunités d'emplois, poussant les ambitieux à chercher ailleurs. (photo AFP)

Avec ses boutiques abandonnées et ses rues quasi désertes, la petite ville de Valandovo est à l’image de nombreuses localités de Macédoine du Nord que les jeunes quittent en nombre dans l’espoir de trouver une vie meilleure à l’étranger.

Comme d’autres pays des Balkans, la Macédoine du Nord lutte contre un déclin démographique alarmant, alimenté par une émigration massive et le vieillissement de ses habitants. Le pays a perdu 10% de sa population au cours des vingt dernières années, et compte aujourd’hui 1,8 million d’habitants, selon les résultats préliminaires du recensement de septembre, soit 200.000 de moins que lors du dernier recensement en 2002.

Trente ans après l’indépendance du pays, quelque 600 000 Macédoniens vivent à l’étranger, selon des données de la Banque mondiale et du gouvernement à Skopje. Parmi les principales raisons de cette émigration, une croissance économique en berne et un manque d’investissements. « Si environ un quart de vos 2,4 millions d’habitants sont partis, vous devriez être sérieusement inquiet de ce qui se passe », assène Apostol Simevski, directeur de l’Office national des statistiques.

« Mieux vaut être un esclave à l’étranger »

Les villages et petites localités, telle Valandovo située à 146 km au sud-est de Skopje, offrent peu d’opportunités d’emplois, poussant les ambitieux à chercher ailleurs. « L’esprit des jeunes a été systématiquement détruit et leur enthousiasme pour lutter et rester chez eux a disparu », confie Pero Kostadinov, 33 ans, le maire récemment élu de Valandovo. « Cinq de mes camarades de classe sont déjà à l’étranger avec leurs familles », renchérit Bojan Nikolov, 24 ans, membre du conseil municipal des jeunes à Valandovo, localité qui survit surtout grâce à l’agriculture.

Après l’indépendance du pays en 1991, nombreux espéraient qu’une adhésion à l’Union européenne apporterait un progrès. Mais le chemin de la Macédoine du Nord vers l’UE a systématiquement été barré, d’abord par la Grèce, puis, plus récemment, par la Bulgarie faisant naître des doutes sur la possibilité que le pays rejoigne un jour le bloc des vingt-sept.

Pour ceux qui restent au pays, le salaire mensuel moyen de 470 euros permet à peine de subvenir aux besoins essentiels. « Mieux vaut être un esclave pour 2 000 euros à l’étranger que l’être à la maison pour 300 euros », entend-on fréquemment à travers le pays.

Mais la Macédoine du Nord n’est pas seule à connaître cette situation dans les Balkans. En Albanie, environ 1,7 million d’habitants, soit près de 37% de la population, ont quitté le pays au cours des 30 dernières années. En Serbie, des centaines de milliers de personnes ont refait leur vie à l’étranger, dont 10 000 médecins, partis au cours des deux dernières décennies, selon des estimations.

« Le dernier train démarre »

Et l’adhésion à l’Union européenne ne garantit pas un renversement de cette tendance démographique. Depuis qu’elle a rejoint l’UE en 2013, la population de la Croatie s’est réduite de près de 10% et dépasse actuellement à peine les quatre millions d’habitants, selon les premiers résultats du recensement de 2021. La Croatie pourrait d’ici la fin du siècle compter à peine 2,5 millions d’habitants, selon des estimations de l’ONU. En décembre, Zagreb a dévoilé un projet visant à encourager ses citoyens résidant dans l’UE à revenir au pays en proposant jusqu’à 26 000 euros pour les aider à créer une entreprise.

Mais pour certaines régions, il est peut-être déjà trop tard. En Croatie centrale et orientale, particulièrement touchées par la guerre des années 1990, l’émigration a été particulièrement massive. À Pozega (est) et ses alentours, les pancartes « à vendre » sont omniprésentes. Plus de 16% des 80 000 personnes habitant cette région l’ont quittée au cours de la décennie écoulée, selon des chiffres officiels. « Dans ma rue, un tiers des maisons sont vides et un deuxième tiers sera vide d’ici dix ans », déplore Igor Cancar, 39 ans, du village de Brestovac. Parmi eux, sa sœur, partie en Autriche avec son mari et leurs deux enfants, et la plupart de ses amis proches. « Si nous voulons que les jeunes restent, il faut les aider à bâtir une maison, mettre à leur disposition des jardins d’enfants », estime Igor Cancar. « Le dernier train est en partance, et nous ne faisons rien à part rester sur le quai et faire au revoir de la main », conclut-il.

LQ/AFP