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Le GR qui ramène à la vie des villages roumains


Quinze personnes ont ainsi été recrutées et plus de 10 000 volontaires se sont mobilisés pour tracer et baliser l'itinéraire. (Photo afp)

L’idée était un peu folle : construire un sentier de quelque 1 400 kilomètres, traversant la Roumanie du nord au sud. Désormais sortie de terre, la Via Transilvanica donne un second souffle à des villages dépeuplés.

Après quasiment deux mois de marche, Alin Useriu a franchi samedi dernier, jour de l’inauguration officielle, la ligne d’arrivée à l’extrémité sud-est des Carpates. Un achèvement au goût de victoire pour ce responsable d’une ONG de défense de l’environnement, qui s’est lancé en 2018 corps et âme dans le projet né de ses pérégrinations le long des chemins de Compostelle et du Pacific Crest Trail américain.

«Mon seul objectif était de revitaliser les zones rurales et tous les amis à qui j’exposais le concept étaient enthousiastes», explique Alin Useriu, 52 ans. Malgré des «débuts difficiles», comme il l’admet, l’aventure a suscité un élan populaire et les dons ont finalement afflué. Quinze personnes ont ainsi été recrutées et plus de 10 000 volontaires se sont mobilisés pour tracer et baliser l’itinéraire, qui parcourt plus de 400 communes.

« C’est le premier projet depuis la révolution qui nous rassemble »

Une initiative inédite dans ce pays d’Europe orientale de 19 millions d’habitants qui, en dépit d’une forte croissance économique, subit encore un exode des jeunes générations et le vide qu’elles laissent dans ces zones rurales aux paysages exceptionnels. Dans le hameau de Sapartoc, perché entre les collines de Transylvanie, les maisons sont en ruine et leurs façades décrépies.

Au coin d’une rue pourtant, surgissent deux cyclistes. Casqués et couverts de boue, ils s’arrêtent devant une coquette maison transformée en pension d’écotourisme. L’un d’eux, Sergiu Paca, ne tarit pas d’éloges sur la Via Transilvanica. «C’est le premier projet depuis la révolution (NDLR : de 1989, à la chute du régime communiste) qui nous rassemble, qui permet de découvrir des paysages et des hommes que nous n’aurions pas rencontrés autrement», témoigne ce loueur de VTT de 42 ans, en écho au slogan du projet célébrant «un sentier qui unit».

Mon seul objectif était de revitaliser les zones rurales

«Je n’aurais pu rêver mieux pour Sapartoc!», abonde Radu Moldovan, qui accueille les deux voyageurs dans sa ferme. Ingénieur agronome de 35 ans, il a décidé d’acheter et de rénover ce bâtiment avec sa femme, alors même que la Via Transilvanica n’en était qu’au stade d’embryon. «Nous voulions mettre en pratique toutes les belles théories que nous avions apprises à l’université et en être un exemple vivant», explique le trentenaire formé aux problématiques environnementales et au développement rural.

Les touristes réapparaissent

Dans ce bourg de 22 âmes peuplé par une poignée d’agriculteurs, le pari était risqué, mais ce nouveau sentier est tombé à point nommé pour le couple, ravi de pouvoir se consacrer à leur pension en plus de leurs activités agricoles. À Archita, autre village d’étape, George Silian, à la tête d’une des plus grandes fermes truffières du pays, salue aussi une atmosphère plus «vivante». «Je me suis réinstallé ici après plusieurs années en Italie», lance l’homme de 58 ans sous son chapeau de feutre, tout en parcourant sa plantation de chênes et d’amandiers.

«Depuis trois ans, les touristes sont réapparus et viennent pour un repas ou une nuit. Cela me permet de faire découvrir et vendre mes produits à base de truffe» comme du sel ou la fameuse palinka (eau-de-vie de prunes), raconte-t-il. Soucieux de préserver des écosystèmes fragiles, ces pionniers du tourisme dans la région veillent à limiter le nombre de lits, respecter les architectures traditionnelles et former les voyageurs aux bonnes pratiques.

Un mouvement à contre-courant du tourisme de masse pratiqué ailleurs dans les Carpates ou sur la côte de la mer Noire, régions prisées des millions de visiteurs recensés chaque année en Roumanie. «Nous avons déterminé la fréquentation maximale à 300 000 personnes par an, et nous en sommes loin!», rassure Alin Useriu, qui se réjouit de voir les premiers fruits de son projet, à rebours du mouvement de dépopulation rurale. «Ma femme a donné naissance à notre fils il y a quelques mois, c’est la première naissance dans le village de Sapartoc depuis 47 ans!», sourit Radu Moldovan.