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Le futur char franco-allemand prend forme


Après sept ans d’attente, le projet de char nouvelle génération franco-allemand accélère enfin.  (Photo : afp)

Le conflit ukrainien a rebattu les cartes concernant le réarmement de l’Union européenne. Un nouveau projet très attendu se concrétise enfin.

Sept ans pour décider de qui va faire quoi : les ministres allemand et français de la Défense, qui ont repris en main le projet enlisé de char commun du futur, ont entériné vendredi la répartition des tâches entre industriels français et allemand pour le développer. Boris Pistorius et Sébastien Lecornu ont mis en scène à Paris le redémarrage de ce programme emblématique de la coopération de défense entre les deux pays, encalminé depuis son lancement en 2017 par les rivalités industrielles et les difficultés des deux pays à s’accorder sur leurs besoins militaires. Ils ont ainsi paraphé devant les caméras un protocole d’accord gravant dans le marbre la répartition de la charge de travail à 50-50 entre industriels des deux pays. Il a fallu «beaucoup de temps et d’efforts, mais la signature aujourd’hui est vraiment un jalon», s’est félicité Boris Pistorius lors d’une conférence de presse conjointe.

Le MGCS (acronyme anglais de Système de combat terrestre principal) est un «système de systèmes» : un char proprement dit accompagné d’autres véhicules, habités ou non. Il comportera d’importantes ruptures technologiques (recours à l’IA, drones pour protéger le char, lasers…). Il doit remplacer à l’horizon 2040 les Leclerc français et Leopard allemands. Pour Sébastien Lecornu, «ce n’est pas le char du futur, mais le futur du char (…), on est les premières nations à s’occuper de cette ère 2040 en matière de cavalerie et de blindés».

Huit piliers de développement

Financé à parts égales par Paris et Berlin et mené sous direction allemande, ce programme était à l’origine conduit par KNDS, une entité créée pour l’occasion entre le français Nexter et l’allemand KMW. L’irruption en 2019 de l’allemand Rheinmetall a déstabilisé l’édifice. Pour dépasser le blocage, «il a fallu repartir des besoins opérationnels des deux armées de Terre» et non des capacités industrielles de chacun, a expliqué Sébastien Lecornu. L’accord signé vendredi désigne la nationalité de l’industriel responsable pour chacun des huit piliers à développer : plateformes, tourelle et «feux classiques», feux innovants (missiles, armes à effet dirigé), communications et «cloud» de combat, simulation, protection, infrastructures. La responsabilité de certains piliers sera partagée entre industriels, notamment pour la tourelle et le canon, domaine où KNDS-France (ex-Nexter) promeut son canon de 140 mm quand Rheinmetall pousse le sien de 130 mm.

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Course aux armes

Négociations entre industriels

Les deux ministres n’ont pas détaillé la répartition. «À ce stade, les piliers ont été répartis entre les différents pays, donc les industriels qui sont responsables des différents piliers ne sont pas aujourd’hui directement fléchés (…), mais chaque pays a déjà une idée assez précise de quel industriel il va mettre en face de chacun des piliers», a-t-on précisé de source ministérielle. En France, Thales est par exemple en pointe sur les questions de connectivité tandis qu’en Allemagne, KNDS l’est sur la conception de châssis de chars. Commence maintenant une phase de négociations avec les industriels pour développer le démonstrateur du MGCS (phase 1A), une sorte de pré-prototype, afin de tester les briques technologiques. Celui-ci sera fabriqué au tournant de la décennie.

«L’objectif est d’avoir les contrats à la fin de l’année, c’est très ambitieux,» selon Boris Pistorius. D’ici là, il va falloir que les industriels, KNDS et Rheinmetall, mais aussi une nuée d’autres entreprises des deux pays, actent la répartition exacte des responsabilités et la façon de s’échanger les informations, et mettent en place une organisation industrielle spécifique. Alors que plusieurs pays européens dont l’Italie – qui a déjà le statut d’observateur – cherchent à rejoindre le projet franco-allemand, Boris Pistorius a confirmé que le programme serait «ouvert à des partenaires plus tôt qu’on ne le croit, mais il faut déjà arriver aux contrats» entre industriels français et allemands.