Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a choisi un Français, Michel Barnier, vétéran des institutions bruxelloises, pour mener les « difficiles » négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE, un message fort à l’adresse de Londres.
« Je suis très content que mon ami Michel Barnier ait accepté cette tâche importante », a déclaré M. Juncker dans un communiqué, en précisant qu’il souhaitait « un homme politique expérimenté pour ce difficile travail ». « Je suis certain qu’il se montrera à la hauteur de ce nouveau défi et nous aidera à développer un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni quand il aura quitté l’Union européenne », a expliqué le président de l’exécutif européen.
Michel Barnier est un ancien commissaire européen aux Services financiers (2010-2014), un poste clé, et a été vice-président de la Commission européenne. Il a dirigé la diplomatie française de 2004 à 2005. Il est l’architecte de l’Union bancaire européenne et passe pour avoir été « la bête noire de la City » de Londres, qui sera l’un des enjeux cruciaux des négociations à venir.
La City aura en effet besoin d’un « passeport financier » européen pour ses établissements afin de rester la première place financière européenne. « Après toutes ces années où il a été diabolisé par la City, la Commission européenne n’aurait pas pu adresser un message plus ferme aux Anglais », a commenté Jacques Lafitte, fondateur d’Avisa Partners, un cabinet de conseil bruxellois.
Prise de fonction en octobre
Dans un tweet, M. Barnier s’est dit « très honoré par la confiance de Juncker pour conduire la négociation avec le Royaume-Uni ». Il prendra ses fonctions le 1er octobre pour cette « mission exigeante » et rapportera directement au président de la Commission. Il était jusqu’à présent son conseiller pour les affaires de Défense.
Michel Barnier sera chargé de préparer et conduire les négociations avec Londres en vertu de l’article 50, une clause du traité de Lisbonne de 2009, encore jamais utilisée, qui régit le divorce d’un pays avec l’UE.
Selon cette procédure complexe, Londres doit d’abord faire part officiellement à Bruxelles de son intention de quitter l’UE. Les deux parties disposeront ensuite de deux années pour boucler les négociations de sortie de l’Union (sauf si elles conviennent de prolonger ce délai), ce qui rend possible un départ du Royaume-Uni à l’horizon 2019.
Le Conseil européen a de son côté nommé le Belge Didier Seuuws à la tête de la « Brexit Task Force », qui sera chargée des négociations pour l’institution qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 Etats membres. Les dirigeants européens souhaitent que Londres notifie son retrait de l’Union « le plus tôt possible », mais la nouvelle Première ministre britannique Theresa May a déjà fait savoir qu’elle n’en ferait pas la demande « avant la fin de l’année ». Bruxelles a déjà fait savoir à moult reprises qu’il n’y aurait « pas de négociation sans notification ».
L’Allemagne et la France ont toutefois convenu de laisser un peu de temps au Royaume-Uni pour préparer cette rupture sans précédent qui s’annonce semée d’embûches.
La nouvelle relation entre Bruxelles et Londres pourrait s’inspirer du modèle norvégien, relativement intégré, avec un accès au marché unique européen, ou du statut de la Suisse, plus distant. Mais Paris se montre ferme sur le futur accès au marché unique du Royaume-Uni, affirmant qu’il ne pourrait en bénéficier après le Brexit s’il ne respecte pas les principes de libre circulation des personnes.
La France entend aussi refuser tout « statut spécial » qui entraînerait de longues négociations. En tout état de cause, tout accord entre l’UE et le Royaume-Uni devra ensuite être obligatoiremment entériné par les 38 Parlements nationaux et régionaux de l’UE.
Le Quotidien / AFP