Des centaines de villages côtiers inondés, des cultures perdues et des maisons détruites par milliers : le passage du cyclone Amphan a laissé jeudi des scènes de « dévastation inouïe » en Inde et au Bangladesh et y a fait au moins 88 morts.
Près de 24 heures après l’arrivée sur la terre ferme du cyclone, le plus puissant à se former dans le golfe du Bengale au XXIe siècle, les pertes en vies humaines semblent provisoirement bien moins importantes que celles provoquées jusqu’à une époque récente par les plus violents cyclones dans la région, qui ont parfois fait plusieurs milliers de morts.
L’Inde a recensé à ce stade 72 morts dans l’État du Bengale occidental et le Bangladesh a fait état de 16 personnes décédées sur son territoire, selon des bilans officiels encore provisoires. Rompues à la gestion de cyclones et bénéficiant de systèmes de surveillance météorologique efficaces, les deux nations d’Asie du Sud avaient évacué à titre préventif plus de trois millions de personnes dans des abris.
« C’était une tempête puissante. Mais elle a graduellement perdu de la puissance durant trois jours avant de frapper l’État indien du Bengale occidental », a déclaré Nayeem Wahra, expert en catastophes naturelles au Bangladesh. Apparu ce week-end au large de l’Inde, Amphan (se prononce « um-pun ») a touché terre mercredi en fin de journée au sud de la grande ville de Calcutta, accompagné de vents autour de 165 km/h et de pluies diluviennes.
« Nous sommes passés à deux doigts de la mort »
Pendant que les vents se déchaînaient sur la ville bangladaise de Tala, Shafiqul Islam a passé trois interminables heures abrité sous son lit avec sa femme et ses deux enfants, rongé par le remords d’avoir fait une « énorme erreur » en ne se rendant pas dans un des abris anticyclone. Quand il a enfin pu ressortir, « la maison était détruite. La plupart des maisons de nos voisins étaient par terre », a constaté cet agriculteur de 40 ans. « Nous sommes passés à deux doigts de la mort », soupire-t-il.
En abattant des poteaux électriques, sectionnant des câbles et détruisant des transformateurs, le cyclone a entraîné des coupures d’électricité pour 15 millions de Bangladais. Jeudi matin, 10 millions d’entre eux étaient toujours privés de courant. Dans la ville bangladaise de Buri Goalini, l’une des plus touchées, « le cyclone n’a pas tué de gens. Mais il a détruit nos moyens de subsistance », a déclaré Bhabotosh Kumar Mondal. Ce responsable de la municipalité décrit « un sillage de dévastation inouïe ». Une « onde de tempête » – brusque montée des eaux engendrée par les vents – parfois haute de trois mètres a submergé une partie du littoral et fait déferler des flots d’eau salée dans les villages. Selon Nayeem Wahra, « l’onde de tempête » provoquée par le cyclone Amphan a néanmoins été moins haute que redoutée par les météorologues.
Une nuit de terreur
De l’autre côté de la frontière, en Inde, le constat est identique et les dégâts également de grande ampleur. « Le cyclone Amphan a ravagé le littoral du Bengale occidental. Des milliers de maisons ont été mises à bas, des arbres déracinés, des routes submergées et des cultures détruites », a déclaré à la presse Mamata Banerjee, la ministre en chef de l’État.
Au terme d’une nuit de terreur, les 15 millions d’habitants de Calcutta se sont réveillés avec le spectacle d’une ville aux rues inondées, des voitures remplies d’eau parfois jusqu’aux fenêtres et des axes de circulation bloqués par les arbres et poteaux électriques tombés par terre. Des images montrent la piste de l’aéroport recouverte d’eau. Jeudi, le cyclone Amphan avait faibli dans sa progression vers le nord, au point de passer au stade de simple dépression tropicale. Il avait atteint lundi la catégorie 4 sur 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, avec des vents de 200 à 240 km/h.
Il s’agit du plus puissant cyclone à être né dans le golfe du Bengale depuis 1999, date à laquelle un cyclone avait entraîné la mort de 10 000 personnes dans l’Odisha, État côtier de l’est de l’Inde. Les pays de la région ont retenu les leçons des cyclones dévastateurs des décennies précédentes : ils ont construit des milliers d’abris pour la population et mis en place des politiques d’évacuation rapide.
La pandémie de coronavirus a cependant foncièrement compliqué leur tâche cette année. Pour éviter la propagation du virus, les autorités avaient appelé les déplacés à respecter la distanciation physique dans les refuges et à porter des masques. Dans la pratique, ces mesures de précaution ont cependant été peu respectées.
AFP/LQ