Le droit à l’avortement existe depuis près d’un demi-siècle aux États-Unis, mais il reste très contesté dans les milieux conservateurs et l’accès aux interruptions de grossesse est variable d’un État à l’autre.
La règle générale
En l’absence de loi fédérale, la Cour suprême des États-Unis a déclaré en 1973 dans son arrêt « Roe v. Wade » que la Constitution garantissait le droit des femmes à interrompre une grossesse, faisant tomber les interdictions alors en vigueur dans plusieurs États. Ce droit existe tant que le fœtus n’est pas viable, soit vers 22 semaines de grossesse, a précisé la Cour en 1992, allant au-delà de la limite de douze semaines fréquemment retenue dans le reste du monde. Les États conservent le droit de légiférer pour protéger la santé des femmes, tant qu’ils ne leur infligent pas « un fardeau injustifié », a-t-elle ajouté à cette occasion.
Patchwork d’inégalités
Les termes « fardeau injustifié » étant flous, les Etats conservateurs ont multiplié les régulations restrictives, forçant de nombreuses cliniques à mettre la clé sous la porte. En Virginie occidentale (est) ou dans le Mississippi (sud), il ne reste qu’un seul centre pratiquant des interruptions de grossesse, alors que la Californie en a plus de 150.
Certains États imposent aussi des contraintes aux patientes : obligation d’avoir une autorisation parentale pour les mineures, délai « de réflexion » entre la première consultation et l’intervention, obligation d’entendre les battements de cœur de l’embryon… Autre inégalité : l’argent. Une dizaine d’États interdisent aux assurances médicales privées de rembourser les avortements, tandis qu’une quinzaine puisent dans leurs fonds propres pour payer les IVG des femmes aux faibles revenus.
Pauvres et minorités
Plus de 862 000 avortements ont été recensés en 2017 aux États-Unis, selon les dernières statistiques du Guttmacher Institute qui milite pour l’accès à la contraception et à l’avortement. Ce chiffre correspond à un taux de 13,5 avortements pour 1 000 femmes en âge de procréer. Il est du même ordre de grandeur que dans le reste des pays riches. Près de 50% des femmes ayant recours à une interruption de grossesse vivent sous le seuil de pauvreté, et les femmes noires et hispaniques sont surreprésentées (29% et 25% respectivement). D’après les Centres de contrôle des maladies, 92,2% des avortements ont lieu au premier trimestre.
Une opinion divisée
Près de 60% des Américains considèrent que l’avortement doit rester légal dans tous ou presque tous les cas, à un niveau relativement stable depuis quelques années, selon un sondage du Pew research center réalisé au printemps. Mais il existe d’énormes différences en fonction des convictions politiques : 80% démocrates sont de cet avis, contre 35% des républicains. Et l’écart se creuse: ces chiffres étaient respectivement de 72 et 39% en 2016. Les convictions religieuses pèsent également beaucoup : 77% des évangéliques blancs jugeant que l’avortement devrait être illégal dans la majorité des cas.
L’offensive conservatrice
Lors de la campagne présidentielle de 2016, Donald Trump avait conquis les électeurs de la droite religieuse en promettant de nommer à la Cour suprême des juges partageant leurs valeurs, et notamment prêts à renverser l’arrêt « Roe v. Wade ». Pendant son mandat, le républicain a pu nommer trois sages sur neuf. Leur arrivée a galvanisé les élus locaux républicains qui ont multiplié les lois défiant ouvertement le cadre fixé par la Cour suprême dans le but de lui fournir une occasion de revenir en arrière. Cette stratégie semble toucher au but : lundi, la Cour examinera une loi du Texas qui interdit d’avorter après six semaines de grossesse, puis le 1er décembre une loi du Mississippi fixant ce seuil à 15 semaines.
LQ/AFP