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L’attente du nouvel exécutif taliban se prolonge en Afghanistan


Les talibans ont multiplié, depuis leur prise de Kaboul le 15 août dernier, les déclarations d'ouverture (Photo AFP)

Les Afghans et la communauté internationale devront patienter encore un peu : le nouveau gouvernement, sur lequel les talibans sont attendus au tournant après leur promesse d’ouverture, ne devrait finalement pas être dévoilé avant samedi, au plus tôt.

Aucune annonce ou cérémonie liée à la présentation de ce nouvel exécutif n’est prévue ce vendredi, a indiqué un porte-parole du mouvement islamiste à l’AFP, précisant qu’il ne fallait s’attendre à aucun développement à ce sujet avant samedi au plus tôt.

Des sources talibanes avaient indiqué jeudi que la composition du nouveau gouvernement pourrait être annoncée dès vendredi, après la prière. Le chef adjoint de leur bureau politique au Qatar, Sher Mohammad Abbas Stanekzai, avait lui assuré mercredi à la BBC que le nouveau gouvernement serait annoncé dans les deux jours.

De retour au pouvoir vingt ans après en avoir été chassés par une coalition emmenée par les Etats-Unis, les talibans ont promis la mise en place d’un gouvernement « inclusif » et ont multiplié, depuis leur prise de Kaboul le 15 août dernier, les déclarations d’ouverture visant à rassurer la population et la communauté internationale. La composition du nouvel exécutif fera donc figure de test quant à la volonté réelle de changement affiché par le mouvement islamiste, dont le premier passage au pouvoir (1996-2001) avait été marqué par une politique brutale à l’égard des femmes et des opposants politiques.

Quid des femmes ?

Les appels à intégrer les femmes au sein du nouvel exécutif pourraient toutefois rester lettre morte au vu des dernières déclarations. Interrogé à ce sujet par la BBC mercredi, Sher Mohammad Abbas Stanekzai a ainsi laissé entendre qu’il « pourrait ne pas y avoir » de femmes nommées ministres ou à des postes à responsabilité, tout en jugeant cette option possible uniquement à des échelons inférieurs. Cette perspective fait bondir les activistes afganes dont une cinquantaine sont descendues dans la rue jeudi à Hérat, grande ville de l’Ouest afghan, proche de la frontière iranienne.

« Des pourparlers sont en cours pour former un gouvernement mais ils ne parlent pas de la participation des femmes », a déploré Basira Taheri, une des organisatrices de la marche. « Nous voulons que les talibans tiennent des consultations avec nous. » Ces dernières semaines, les talibans ont noué des contacts notamment avec des personnalités afghanes qui leur sont opposées, comme l’ex-président Hamid Karzaï, ou l’ancien vice-président Abdullah Abdullah.

Parmi les scénarios possibles qui circulent, le chef des talibans, le mollah Hibatullah Akhundzada, devrait exercer l’autorité suprême au titre de guide religieux du pays, selon la chaîne de télévision privée afghane Tolo News. La responsabilité de mener le gouvernement serait confiée à quelqu’un d’autre. Le co-fondateur du mouvement, Abdul Ghani Baradar, devrait quant à lui occuper un poste important au sein de l’exécutif, toujours selon Tolo News.

Urgence économique

Pour Martine van Bijlert, du réseau des analystes de l’Afghanistan (AAN), le mouvement « n’était pas du tout préparé au départ soudain du président Ashraf Ghani le 15 août, et à ce que Kaboul tombe entre leurs mains si rapidement ». « Il n’avait jamais préparé de plan détaillé ou de politique gouvernementale » souligne-t-elle dans une note publiée mercredi, estimant que le mouvement était « désormais divisé sur la voie à suivre ».

Le temps presse pourtant au vu des nombreux défis auxquels les nouveaux maîtres du pays sont confrontés. L’urgence est avant tout économique : l’Afghanistan, l’un de pays les plus pauvres du monde, a vu l’aide internationale dont dépend largement son économie être gelée.

Plusieurs bonnes nouvelles sont toutefois venues ces dernières 24 heures éclaircir légèrement ce tableau plutôt sombre. Western Union a annoncé jeudi la reprise de ses activités de transfert d’argent vers le pays. De nombreux Afghans comptent sur les envois de leurs proches à l’étranger pour survivre.

L’ONU, qui avait alerté mardi sur une « catastrophe humanitaire » à venir, a de son côté annoncé la reprise de ses vols humanitaires dans le nord et le sud de l’Afghanistan. La Chine a quant à elle promis de maintenir son ambassade en Afghanistan, et d’augmenter son aide au pays ravagé par des décennies de conflit, selon un porte-parole des talibans.

Près d’une semaine après la fin du gigantesque pont aérien mis en place à l’aéroport de Kaboul pour évacuer afghans et ressortissants étrangers, les réseaux diplomatiques continuent de s’activer pour tenter de venir en aide aux réfugiés afghans.

Le ministre italien des Affaires étrangères est notamment attendu vendredi en Ouzbékistan, au Tadjikistan, au Qatar et au Pakistan. Son homologue britannique devait se rendre également dans la région la semaine prochaine. Sollicité par les talibans le Qatar travaille de son côté à la réouverture « dès que possible » de l’aéroport de Kaboul qui revêt une importance cruciale pour faire transiter le soutien médical et humanitaire dont le pays.

LQ/AFP