L’armée russe a affirmé vendredi avoir probablement tué en Syrie le chef du groupe État islamique (EI), Abou Bakr al-Baghdadi, lors de bombardements fin mai par son aviation visant une réunion de hauts dirigeants de l’organisation jihadiste près de Raqa.
Un porte-parole de la coalition internationale menée par les États-Unis, le colonel Ryan Dillon, a indiqué ne pas être en mesure de confirmer pour le moment la mort du chef de l’EI. Aussi puissant que discret et déjà donné pour mort dans le passé par les Américains, al-Baghdadi a fait de l’État islamique une organisation redoutée et responsable de multiples attentats sanglants à travers le monde.
L’annonce de Moscou intervient alors que l’organisation jihadiste est en passe d’être chassée de Mossoul, son principal fief en Irak, et que l’étau se resserre autour de sa «capitale», la ville de Raqa en Syrie. Des bombardiers et des avions d’attaque au sol russes ont visé une réunion à laquelle «se trouvait le dirigeant de l’État islamique Abou Bakr al-Baghdadi», qui aurait été éliminé dans le bombardement, a indiqué le ministère russe de la Défense dans un communiqué, en précisant que les Américains avaient été prévenus de l’opération.
Selon le communiqué de Moscou, le commandement du contingent militaire russe en Syrie, basé à Hmeimim, a «reçu fin mai des informations sur la tenue dans la banlieue sud de Raqa d’une réunion de dirigeants de l’organisation terroriste État islamique». «La vérification des informations a permis d’établir que le but de cette rencontre était l’organisation de convois de sortie pour les combattants de Raqa via le +corridor sud+», indique l’armée russe.
Après un vol de reconnaissance d’un drone, des avions Su-34 et Su-35 ont effectué des frappes le 28 mai entre 0h35 et 0h45 heure de Moscou. Au total, l’armée russe affirme avoir tué une «trentaine de chefs de guerre et jusqu’à 300 combattants» et plusieurs «hauts dirigeants» de l’EI. Elle évoque notamment Souleimane al-Chawakh, le «chef de la sécurité» d’al-Baghdadi, l’«émir» de Raqa Abou al-Hajji al-Masri et l’«émir» Ibrahim Nayef al-Hajj.
Déjà donné pour mort
Cette annonce intervient alors que l’étau se resserre sur les combattants de l’EI à Raqa, leur bastion en Syrie, contre lequel ont lancé une offensive les forces démocratiques syriennes, une alliance arabo-kurde antijihadiste soutenue par les États-Unis. Les combats s’y poursuivent sur les fronts nord, ouest et est de la ville, mais l’avance des forces antijihadistes a été freinée ces derniers jours par des contre-offensives de l’EI. Les affrontements continuaient vendredi dans plusieurs quartiers.
L’armée syrienne est également entrée dans la région de Raqa le 6 juin, gagnant depuis du terrain face aux jihadistes dans l’ouest et le sud-ouest, soutenue par d’intenses bombardements russes. L’armée russe avait déjà annoncé avoir frappé les 25, 29 et 30 mai des unités de l’EI tentant de fuir la ville par le Sud en direction de la cité antique de Palmyre, sous contrôle des forces du gouvernement syrien. Elle avait également frappé l’organisation par des missiles de croisière Kalibr, une première depuis novembre 2016.
La coalition internationale anti-jihadistes avait promis en mars lors d’une réunion d’éradiquer la «menace planétaire» du groupe État islamique et de son chef Abou Bakr al-Baghdadi, pour la capture duquel Washington offre 25 millions de dollars. Le Secrétaire d’État américain Rex Tillerson avait alors prédit la «mort» prochaine d’al-Baghdadi, assurant que ce n’était «qu’une question de temps».
Abou Bakr al-Baghdadi a fait sa seule apparition publique connue en juillet 2014 à Mossoul en Irak. En turban et habit noirs, barbe grisonnante, il avait proclamé le «califat» sur les vastes territoires conquis par l’EI. De son vrai nom Ibrahim Awad al-Badri, le discret chef de l’EI serait né en 1971 dans une famille pauvre de la région de Bagdad. Passionné de football, il a échoué à devenir avocat puis militaire avant d’étudier la théologie. C’est lors de l’invasion américaine de l’Irak en 2003 qu’il créé un groupuscule jihadiste sans grand rayonnement avant d’être arrêté et emprisonné dans la gigantesque prison de Bucca.
Libéré faute de preuves, il rejoint un groupe de guérilla sunnite sous tutelle d’Al-Qaïda et en prend la tête quelques années plus tard. Profitant du chaos de la guerre civile, ses combattants s’installent en Syrie en 2013 avant une offensive fulgurante en Irak. Le groupe, rebaptisé État islamique, supplante Al-Qaïda, et ses succès militaires initiaux et sa propagande soigneusement réalisée attirent des milliers de partisans du monde entier. Déjà donné pour mort par les Américains, il n’a plus donné signe de vie depuis un enregistrement audio diffusé en novembre 2016, peu après le lancement de l’offensive de l’armée irakienne sur le bastion des jihadistes à Mossoul.
Le Quotidien/AFP