L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) compte bien tourner une page de l’histoire allemande en devenant la première formation à la fois nationaliste et anti-immigration à former un groupe parlementaire depuis la fin du joug nazi.
Avec sa rhétorique anti-islam et anti-migrants, l’AfD, qui a multiplié en fin de parcours les débordements verbaux, affirme être le seul parti à avoir « le courage de la vérité » quand les responsables politiques de tous bords le qualifient de « honte pour l’Allemagne », un pays qui a longtemps pensé pouvoir rester sourd aux sirènes du populisme et de la xénophobie.
D’où vient l’AfD?
Fondé en avril 2013, l’AfD est d’abord un parti anti-euro qui considère la monnaie unique comme « une erreur historique », et fait florès sur son rejet des aides financières au sud de l’Europe. Après de premiers succès électoraux, la formation se déchire lors d’une lutte fratricide remportée par l’aile nationaliste.
Le jeune parti entame sa remontée à l’été 2015 quand la « crise » des réfugiés prend toute son ampleur et que la chancelière Angela Merkel ouvre les portes de l’Allemagne aux migrants.
L’AfD donne de la voix contre cette immigration « complètement incontrôlée », brandit la menace d’une « invasion islamique » dans un pays qui compte 5,4% à 5,7% de musulmans et martèle que l’Allemagne est devenue « un havre sûr pour les criminels et les terroristes ».
Le parti séduit notamment une frange de la population déboussolée par l’arrivée d’un million de demandeurs d’asile. Il enchaîne les succès électoraux pour être représenté aujourd’hui dans 13 des 16 Parlements régionaux.
Quel programme ?
« L’islam n’appartient pas à l’Allemagne », martèle l’AfD qui, pour la campagne des législatives, a tapissé l’espace public d’affiches racoleuses, exposant le corps de femmes dénudées: « La burka? Nous prônons le bikini ».
Il est aussi un contempteur de l’establishment politique accusé d’avoir dérobé le pouvoir au peuple et réclame en conséquence l’instauration de la votation populaire sur le modèle suisse.
Le parti défend aussi le modèle de la famille « traditionnelle » et ne cache pas ses affinités avec la Russie. En matière économique, il est sur des positions libérales.
Quelles ambitions ?
Les sondages ont noté une légère hausse de l’AfD en fin de campagne avec 10-12% des intentions de vote. Il reste recul par rapport aux plus de 15% escomptés l’an dernier. Alice Weidel, co-tête de liste du parti, a elle fixé ses objectifs à moyen terme: « dès 2021 (être) en mesure de gouverner ».
Selon le politologue Fabian Virchow, le discours controversé d’un cadre du parti sur l’Holocauste « a effrayé une partie de l’électorat de droite conservatrice ». Et « les bisbilles entre dirigeants » ont aussi donné une image négative. Depuis des mois s’affrontent publiquement ceux qui craignent la comparaison avec l’extrême droite et ceux à la radicalité plus assumée.
Pour éviter que cette guerre ne saborde ses chances, l’AfD a confié sa campagne des législatives à un duo hétéroclite.
D’un côté, Mme Weidel, économiste de 38 ans passée par Goldman Sachs, en couple avec une femme d’origine sri-lankaise avec qui elle a adopté deux enfants. De l’autre Alexander Gauland, 76 ans et habitué des tirades polémiques. Il s’en est pris à une responsable gouvernementale d’origine turque dont il veut se « débarrasser » en Anatolie et jugé que les Allemands avaient « le droit d’être fiers des performances des soldats durant les deux guerres mondiales ».
La popularité de l’AfD reste particulièrement florissante sur les terres désindustrialisées de l’ex-RDA. Aux législatives, le parti espère atteindre par endroit plus de 20% des suffrages.
Quelle place en Europe?
Le parti « s’inscrit dans la ligne des droites radicales qui ont le vent en poupe partout en Europe », selon Ralf Melzer de la Fondation Friedrich-Ebert.
La coprésidente Frauke Petry a tenté un rapprochement avec plusieurs responsables d’extrême droite, en particulier avec la Française Marine Le Pen, l’extrême droite autrichienne ou le Néerlandais Geert Wilders.
D’autres cadres de l’AfD ont rejeté de telles alliances, notant par exemple que le Front national français avait un programme économique anti-libéral.
Signe de ces divergences, un des deux députés européens AfD siège avec le Front national, l’autre a rejoint le groupe des eurosceptiques conduit par les Britanniques de UKIP.
Le Quotidien / AFP