L’Allemagne entame mardi des consultations pour sortir de sa plus grave crise politique de l’après-guerre et donner une autre chance à Angela Merkel de former un gouvernement, le pays redoutant plus que tout l’instabilité.
Le président de la République fédérale, Frank-Walter Steinmeier, qui a désormais la main dans cette crise en vertu de la Constitution, fait le tour des partis susceptibles de participer à un gouvernement sous l’égide de la chancelière conservatrice au pouvoir depuis douze ans.
Il a exclu de ces rencontres l’extrême droite et la gauche radicale avec lesquelles Angela Merkel refuse tout dialogue.
Après un long entretien lundi avec la dirigeante, il reçoit dans l’après-midi la direction des Verts, puis le chef du parti libéral-démocrate (FDP), Christian Lindner qui, en rompant les négociations pour former un gouvernement avec les conservateurs (CDU-CSU) et les écologistes dimanche, a plongé l’Allemagne dans cette crise inédite.
Mercredi, Frank-Walter Steinmeier aura également une entrevue très attendue avec Martin Schulz, chef de sa formation historique le Parti social-démocrate (SPD), qui, laminé aux législatives de septembre, refuse mordicus une nouvelle alliance avec Angela Merkel.
Or ces deux coalitions sont les seules qui arithmétiquement disposeraient du soutien d’une majorité absolue de députés.
Le président allemand a donc un objectif: forcer au compromis pour constituer un gouvernement sous la direction de Mme Merkel et ainsi éviter un scrutin anticipé.
Cette mission pourrait prendre des semaines voire des mois. S’il échoue, il est le seul à pouvoir enclencher la procédure qui à terme peut se solder par une dissolution.
« Pas une crise d’État »
Les élus ont « pour mission » de former un gouvernement et ne peuvent simplement « renvoyer cette tâche » aux électeurs, a insisté lundi Frank-Walter Steinmeier, un ancien chef de la diplomatie très apprécié des Allemands.
En ouvrant la séance du Bundestag mardi matin, le président de la chambre des députés, Wolfgang Schäuble, figure historique de la politique allemande, a lui souligné que le poids lourd de l’Europe faisait face à « une épreuve mais pas à une crise d’État ».
« La tache (à accomplir) est importante mais (le problème) est soluble », a assuré l’ancien ministre des Finances de 75 ans, semblant opposé à de nouvelles élections.
De son côté, Peter Altmaier, fidèle parmi les fidèles de la chancelière, a souhaité que chacun ait « dans les trois prochaines semaines » une idée plus claire de l’avenir politique du pays.
En Europe aussi, on regarde de près les évolutions en Allemagne. Car sans la voix de Berlin, la réforme d’une Union européenne en crise ou la négociation du Brexit risquent d’être freinées.
La tenue d’un scrutin anticipé est risquée car le paysage politique allemand a déjà vécu un séisme politique lors des législatives du 24 septembre avec l’entrée fracassante de députés d’extrême droite à la chambre des députés, le Bundestag.
Merkel candidate
Et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui a promis de « faire la chasse » à Mme Merkel, pourrait faire mieux encore en cas de nouvelles élections, au vu des sondages. Or c’est la percée de ce parti qui rend la quête d’une majorité si difficile.
Les Allemands ne rejettent toutefois pas les élections anticipées (45%), selon un sondage de l’institut Forsa. Seuls 27% veulent une nouvelle « grande coalition » entre les conservateurs et le SPD, et 24% un gouvernement minoritaire d’Angela Merkel.
Malgré des résultats décevant aux législatives, l’échec des négociations dimanche et la menace de l’extrême droite, la chancelière n’entend pas jeter l’éponge et entend même être candidate en cas de scrutin.
La chancelière a par contre jusqu’ici exclu de former, comme lui permettrait la Constitution, un gouvernement minoritaire. L’Allemagne « a besoin d’un gouvernement stable qui n’ait pas à chercher une majorité à chaque décision », a-t-elle expliqué.
Les critiques à son endroit se font pourtant plus pressantes, parfois même à l’intérieur de sa famille politique. Pour certains de ces détracteurs conservateurs, les difficultés actuels et la poussée de l’AfD sont dues à sa décision d’accueillir plus d’un million de demandeurs d’asile en 2015 et 2016.
En attendant l’épilogue de cette crise, Angela Merkel reste à la tête du gouvernement, avec la charge d’expédier les affaires courantes.
Le Quotidien/ AFP