Face aux images désastreuses du chaos à l’aéroport de Kaboul et des talibans patrouillant les rues de la capitale afghane, le président des États-Unis est réellement ébranlé pour la première fois depuis son élection.
Joe Biden s’adresse aux Américains lundi à 19h45 GMT, depuis la Maison Blanche, a annoncé lundi la présidence. Le président américain, silencieux depuis plusieurs jours face à la plus grave crise depuis son élection, écourte pour ce faire son séjour à Camp David, lieu de villégiature des présidents américains. Il était prévu au départ qu’il y reste jusqu’à mercredi, mais ce calendrier était devenu intenable face à la prise de contrôle éclair de l’Afghanistan par les talibans.
Le président américain, également « commandant en chef », est désormais critiqué de toutes parts. Tous les médias américains, y compris ceux qui avaient accueilli avec soulagement son élection, parlent de « désastre » (la chaîne CNN) ou d’un Joe Biden « sur la défensive » (Washington Post).
Lors de sa dernière prise de parole en public sur l’Afghanistan, mardi dernier, Biden avait défendu encore et encore sa décision de retirer les derniers soldats américains au plus tard au 31 août, en confiant le sort du pays à un gouvernement et des soldats afghans aujourd’hui en pleine déroute. « Que l’on trouve cela juste ou injuste, l’histoire retiendra que Joe Biden est celui qui a présidé à la conclusion humiliante de l’expérience américaine en Afghanistan » après vingt années de guerre, a asséné lundi le New York Times.
Face à cette vague de critiques jamais vues depuis l’élection, la Maison Blanche, cette machine bien huilée, a semblé tétanisée ces derniers jours.
Seul à Camp David
En témoignent les tweets diffusés pendant le week-end, alors que l’Amérique suit heure par heure la chute de Kaboul, et que l’image des hélicoptères quittant l’ambassade rappelle les dernières images de la guerre du Vietnam.
Sur un cliché diffusé dimanche sur Twitter, Joe Biden est seul à une immense table de réunion de Camp David. Il fait face à un écran de visioconférence et à plusieurs horloges murales réglées sur divers fuseaux horaires, recevant « des mises à jour » sur l’Afghanistan de la part de hauts responsables.
C’est le 10 août que le président démocrate de 78 ans s’est exprimé pour la dernière fois en public, pour dire qu’il ne « regrettait pas » sa décision de retirer le 31 août les derniers militaires américains du pays. Jeudi puis vendredi, alors que les talibans prenaient le contrôle de l’Afghanistan à une vitesse stupéfiante, la priorité de la Maison Blanche restait de vanter le « plan Biden » censé refonder l’économie américaine sur des bases plus justes. Et samedi, c’est dans un communiqué que Joe Biden annonce porter à quelque 5 000 soldats le déploiement militaire à Kaboul pour sécuriser l’évacuation de civils.
Mais sa présidence jusqu’ici plutôt maîtrisée, assumant de se consacrer à des réformes économiques et sociales « ennuyeuses » – l’expression est de Biden lui-même – vient bel et bien de vaciller. Jusqu’ici, rien n’avait entamé une cote de popularité fermement ancrée au-dessus de 50%, pas même la récente reprise de la pandémie. La semaine dernière devait être celle de la consécration des efforts du président, vieux roublard de la politique américaine, pour faire adopter un gigantesque programme d’infrastructures avec les voix de certains sénateurs républicains.
Aubaine pour les républicains
Et la Maison Blanche entendait consacrer les prochaines semaines à un autre projet pharaonique, appliquant aux États-Unis quelques recettes de l’État-providence à l’européenne, avec une meilleure prise en charge des frais médicaux ou universitaires.
Mais l’effondrement du gouvernement afghan et de son armée financée par Washington a fait voler en éclats cette « séquence » bien préparée. L’opposition républicaine, jusqu’ici bien embarrassée puisque l’opinion publique américaine était majoritairement favorable au retrait des troupes, s’est engouffrée dans la brèche face au spectre d’une humiliation internationale de cette armée dont les Américains sont si fiers. L’ancien président Donald Trump ne s’en est pas privé, lui qui avait pourtant décidé le retrait final des troupes américaines dès le 1er mai 2021, échéance repoussée au 31 août par Joe Biden. « Il est temps que Joe Biden, discrédité, démissionne pour avoir permis ce qui s’est produit en Afghanistan », a-t-il réclamé.
LQ/AFP