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L’affaire Vincent Lambert devant la Cour européenne des droits de l’Homme


« Laisser partir » Vincent Lambert ou le maintenir artificiellement en vie : la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a entamé ce mercredi l’examen du sort du tétraplégique en état végétatif, objet d’une tragédie familiale.

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La Grande chambre, instance suprême de la Cour, devrait se prononcer sur le sort de Vincent Lambert, d’ici un à deux mois. (Photo : AFP)

Après s’être déchirés dans les prétoires français, les protagonistes de cette affaire à rebondissements se sont retrouvés pour une audience, ouverte à 9h15 devant une salle comble par les juges européens, appelés à trancher définitivement d’ici un à deux mois.

Victime d’un grave accident de la route en 2008, Vincent Lambert, 38 ans, souffre de lésions cérébrales irréversibles. En état végétatif chronique, il est actuellement hospitalisé dans un service de soins palliatifs à Reims. Ses parents, avec une de ses sœurs et un demi-frère, ont saisi la CEDH : ils contestent devant elle la décision du Conseil d’État, en juin, d’autoriser l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles qui maintiennent Vincent en vie. Cette décision médicale avait été prise il y a un an, avec l’assentiment de son épouse Rachel, de cinq frères et sœurs, et d’un neveu, avant d’être annulée par un tribunal administratif, puis validée in fine par la plus haute juridiction administrative française.

Mais la requête devant la CEDH a prolongé le feuilleton judiciaire : la Cour de Strasbourg avait immédiatement suspendu la décision du Conseil d’État, pour se donner le temps d’examiner à son tour le fond du dossier. Dans cette affaire concernant la vie d’un homme, l’instance suprême de la CEDH, la Grande chambre, a été chargée directement d’examiner la recevabilité et la conformité de la décision française avec les textes européens. L’audience de mercredi doit permettre aux juges strasbourgeois d’évaluer les arguments du Conseil d’État. Celui-ci a jugé l’arrêt des traitements de Vincent conforme au cadre tracé par la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie.

Il a estimé en outre qu’un maintien en vie constituerait une « obstination déraisonnable », compte tenu du caractère irréversible de l’état de Vincent Lambert et de son mauvais pronostic clinique. La juridiction française s’est aussi appuyée sur la volonté exprimée, selon sa femme, par Vincent, avant son accident, de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans un état de grande dépendance. Rachel Lambert, 33 ans, appelle à « laisser partir » son mari pour « respecter celui qu’il était ».

> « Euthanasie déguisée »

« Ne pas laisser partir Vincent Lambert, c’est ne pas le respecter », a appuyé mardi le Dr Éric Kariger, ancien chef des soins palliatifs du CHU de Reims, appelant à éviter « un acharnement qualifié » sur son ancien patient. Mais les parents de Vincent Lambert n’en démordent pas et dénoncent une « euthanasie déguisée » : leur fils n’avait pas rédigé de directives anticipées, soulignent-ils. « J’espère que la CEDH va pouvoir arrêter cette folie, Vincent n’est pas en fin de vie, il est handicapé », a dit Viviane Lambert à l’AFP, à son arrivée à Strasbourg mardi soir. « On veut nous faire dire qu’on ne veut pas qu’il parte, mais ce n’est pas du tout ça, on ne veut pas qu’on le supprime », a martelé Mme Lambert, catholique traditionaliste, mais qui récuse tout lien de sa position avec sa foi.

Pour l’avocat des parents Lambert, Me Jean Paillot, Vincent « irait mieux s’il était mieux pris en charge ». Devant la CEDH, il fait notamment valoir des violations du « droit à la vie » et de l’interdiction de « traitements inhumains ou dégradants » pour faire condamner la France. « La loi Leonetti est une bonne loi », mais le cas de Vincent Lambert « montre les éléments flous » de ce texte, a-t-il dit à l’AFP, plaidant pour des aménagements dans le cadre du débat justement relancé en France ces dernières semaines.

Après un débat sans vote à l’Assemblée nationale le 21 janvier, autour de propositions des députés Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS), une loi devrait suivre, à une date non encore fixée. L’affaire Vincent Lambert ne connaîtra pas son épilogue mercredi : la Grande chambre de la Cour ne devrait rendre son arrêt que « dans au moins un à deux mois », selon une source proche de l’institution.

AFP