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La vie « comme irréelle » des « héros en blouse blanche »


Sur le front des urgences les personnels soignants s'investissent au maximum de leur capacité, et reposent leurs limites. (Photo / AFP)

Ils sont sur le pont quand la quasi-totalité du pays est à l’arrêt : en première ligne face à l’épidémie de Covid-19, les personnels soignants ont l’impression de vivre un « mauvais rêve », qu’ils appréhendent avec « tension » et « gravité ». Tour d’horizon de nos héros en blouses blanches à Créhange (Moselle), Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et Paris.

« Les virus planétaires, d’habitude on ne voit ça qu’à la télé. Mais là ça y est : on est dedans et il faut y faire face comme on peut », résume Aurélie Denoual, aide-soignante au service des urgences de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Comme l’ensemble de ses collègues, cette femme de 34 ans a vu son quotidien s’accélérer avec l’épidémie, alors qu’une sorte de torpeur s’est emparée du reste de la France depuis la mise en place des mesures de confinement.

« Pour la plupart des gens, la vie tourne au ralenti. Mais pour nous c’est le contraire: on a l’impression de vivre dans un monde parallèle », souffle la jeune femme, « inquiète » face à l’essor du virus sur tout le territoire. Horaires à rallonge, organisation chamboulée et pression qui s’accroît… « Quand je prends ma voiture le matin et que je vois les rues presque désertes, j’ai l’impression d’être en décalage complet », abonde Eve Claiser, infirmière libérale à Créhange (Moselle).

En activité depuis près de 25 ans, cette mère de famille, responsable du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) pour la Moselle, s’inquiète elle aussi de la situation, qui met sous tension l’ensemble du système de santé. « Je ne m’attendais pas à vivre un jour une telle épidémie. C’est comme un mauvais rêve », assure la syndicaliste. « J’ai l’impression que les soignants sont un peu seuls face au virus, à essayer d’aider les gens avec les moyens du bord ».

« On nous demande d’aller à la guerre, mais sans armes »

Ces derniers jours, de nombreux syndicats ont alerté le gouvernement sur le manque de matériel de protection et notamment de masques, limités à 18 par semaine pour les médecins généralistes et les infirmiers, en raison de la pénurie provoquée par l’épidémie. « On nous demande d’aller à la guerre, mais on y va sans armes ou presque. Il nous faut des surchaussures, des blouses, des masques et des charlottes, sinon on risque d’être contaminés et surtout de contaminer les autres patients », insiste Eve Claiser.

A Paris, ville figée dans un silence de pierre depuis l’instauration des mesures de confinement, ce sentiment d’urgence s’est également emparé des hôpitaux, derniers endroits de la capitale à bouillonner d’activité. « Les services sont sous tension. On est très sollicités », confirme Ludovic Sara, infirmier anesthésiste à l’AP-HP, qui juge « étrange » le décalage entre les rues désertes et le branle-bas de combat entre les murs des centres hospitaliers. « Nos emplois du temps sont complètement chamboulés. Il va falloir revoir notre vie familiale », raconte le quinquagénaire. « On sait d’ores et déjà que les prochaines semaines seront très difficiles pour le personnel de santé ».

« Soutenir les héros en blouses blanches »

Signe que ce combat suscite la reconnaissance : les initiatives se sont multipliées ces derniers jours pour soutenir les « héros en blouses blanches » – notamment sur les balcons et fenêtres, où les habitants applaudissent chaque soir les soignants. « On sent que quelque chose est en train de se passer derrière le personnel médical. Beaucoup d’amis m’appellent en me disant +est-ce que ça va, est-ce que tu tiens le coup au travail?+ Ca met du baume au coeur », souligne Aurélie Denoual.

Un avis partagé par Jacques Battistoni, médecin généraliste à Caen et président de MG France (principal syndicat de médecins libéraux), qui confie n’avoir jamais vu une telle marque de solidarité « en 32 ans d’exercice ». « C’est important car cela témoigne d’une prise de conscience de l’importance de ce qui est en train de se passer », estime le praticien, qui juge cet engagement « fondamental »: « Cette épidémie, on ne pourra pas la vaincre sans le concours de chacun ».

 

LQ / AFP