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La Turquie depuis la tentative de coup d’État de 2016


Des manifestants, le 24 juillet 2016 à Istanbul, pour "la liberté, la démocratie et la paix". (archives AFP)

Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, une fraction de l’armée se soulève, s’emparant d’avions de chasse et d’hélicoptères et semant la panique dans les rues d’Ankara et d’Istanbul. Des putschistes ciblent le Parlement et le palais présidentiel. Retour sur un événement qui a entraîné des purges massives dans tout le pays.

Le président Recep Tayyip Erdogan, en vacances à Marmaris (sud-ouest), exhorte les Turcs à résister à une « tentative de coup d’État » en descendant dans les rues, puis regagne Istanbul. Il dénonce « une trahison » de soldats putschistes qu’il accuse d’être liés au prédicateur Fethullah Gülen, aux États-Unis depuis une vingtaine d’années. Ex-allié devenu son pire ennemi,  Gülen dément.

Dans la matinée, le chef de l’armée par intérim annonce l’échec de la tentative de putsch. A Istanbul, les partisans d’Erdogan en liesse investissent les rues. Erdogan réclame l’extradition de Gülen. La tentative a fait près de 250 morts, sans compter les putschistes, et des milliers de blessés. Les 16 et 17 juillet 2016, des centaines de généraux, juges et procureurs sont arrêtés pour leur soutien présumé à la tentative de renversement du pouvoir. Puis l’épuration s’étend à la police, à l’enseignement et aux médias.

Le 20, Erdogan instaure l’état d’urgence. Les purges visent les partisans présumés de Fethullah Gülen, avant de s’étendre à la mouvance pro-kurde et à des médias critiques et à des ONG, suscitant l’inquiétude en Europe. Depuis, plus de 55 000 personnes ont été arrêtées, et plus de 150 000 limogées de la fonction publique. Des centaines de procédures judiciaires ont été ouvertes.

Le 9 août 2016, Erdogan se réconcilie avec son homologue russe Vladimir Poutine, après une crise consécutive à la destruction d’un avion russe par la Turquie à la frontière syrienne fin 2015. La Turquie, soutien de groupes rebelles, et la Russie, principale alliée avec l’Iran du régime de Bachar al-Assad, vont renforcer leur coopération sur le dossier syrien. Le 24, la Turquie déclenche une offensive terrestre dans le Nord syrien contre Daech, mais aussi contre les Unités de protection du peuple (YPG). Pour Ankara, les YPG sont le prolongement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en conflit depuis 1984 avec l’armée turque. En mars 2018, la Turquie conquiert l’enclave kurde d’Afrine (nord-ouest) au terme d’une offensive militaire menée avec ses supplétifs syriens contre les YPG.

« Putsch contre les urnes »

Le 24 juin 2018, Recep Tayyip Erdogan remporte la présidentielle dès le premier tour, loin devant ses concurrents. Le scrutin marque le passage du système parlementaire à un régime présidentiel où le chef de l’Etat concentre le pouvoir exécutif, aux termes d’une révision constitutionnelle adoptée en 2017. En juillet, la Turquie lève l’état d’urgence en vigueur depuis deux ans. L’UE évoque « un pas dans la bonne direction », mais le juge insuffisant en raison du maintien de plusieurs éléments restrictifs pour les libertés.

Le 31 mars 2019, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) arrive en tête à l’échelle nationale aux municipales, mais perd Ankara et la plus grande ville du pays, Istanbul. L’élection est invalidée après des recours de l’AKP, arguant d’ « irrégularités massives ». L’opposition dénonce un « putsch contre les urnes ». Le 23 juin, le candidat de l’opposition Ekrem Imamoglu réédite sa victoire aux municipales d’Istanbul, infligeant à Erdogan son pire revers électoral depuis l’arrivée au pouvoir de son parti en 2002.

Le 10 juillet, la Turquie affirme qu’elle poursuivra les travaux de forage des gisements gaziers au large de Chypre, malgré les mises en garde de l’Union européenne. Le 12, elle prend livraison d’une première cargaison de batteries de missiles russes S-400, en dépit des avertissements américains. La livraison de ce système de défense antiaérienne marque un pic dans le réchauffement des relations entre Moscou et Ankara, qui a pris ses distances avec le camp occidental depuis le coup d’État manqué.

LQ/AFP