Des bombardiers russes ont commencé mardi à quitter la Syrie dans la foulée de l’annonce surprise de Vladimir Poutine du désengagement du gros de son contingent militaire, dont les Occidentaux espèrent qu’il aura un effet positif sur les négociations de Genève.
Ce nouveau coup de théâtre orchestré par le chef de l’Etat russe, maître depuis des mois du tempo dans la crise syrienne, intervient alors que le conflit entre dans sa sixième année. Il a pris de court opposants syriens et Occidentaux, dont les réactions rivalisaient de prudence.
Ce repli tactique intervient alors que le problème de l’avenir du président Bachar al-Assad demeure entier, Damas restant sourd aux exigences de l’opposition syrienne. Conformément à l’ordre donné lundi soir par Vladimir Poutine, le corps expéditionnaire russe a commencé à charger équipements et matériel militaire dans des gros porteurs qui vont ensuite voler vers la Russie. La télévision russe a montré des techniciens manipulant de nuit des caisses dans des avions de transport Iliouchine 76.
Et le ministère russe de la Défense a ensuite annoncé le départ de la base aérienne de Hmeimim, dans le nord-ouest de la Syrie, d’un premier groupe de bombardiers modernes Su-34 et d’avions de transport Tupolev-154 transportant des techniciens et du matériel militaire. Le chef de l’Etat russe, qui a toujours la main sur l’échiquier syrien depuis l’irruption des avions russes dans le ciel syrien le 30 septembre, a annoncé son coup de poker après avoir appelé le président Bachar al-Assad.
«La tâche qui avait été demandée à notre ministère de la Défense et aux forces armées a été globalement accomplie et j’ordonne donc au ministère de la Défense d’entamer à partir de demain (mardi), le retrait de la majeure partie de nos contingents», a dit à la télévision Vladimir Poutine. «Néanmoins, pour permettre la surveillance de la trêve dans les combats (entrée en vigueur le 27 février), la partie russe conserve sur le territoire syrien un site de maintenance de vols», selon un communiqué du Kremlin. La presse russe estimait mardi que l’annonce surprise de Vladimir permet à Moscou de présenter son intervention comme une victoire politique en évitant l’enlisement et favorisant le processus de paix.
En accord avec Damas
Le Conseil de sécurité de l’ONU tout comme l’Iran, par la voix du ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, ont jugé «positive» l’annonce du Kremlin. Selon la Maison Blanche lundi soir, M. Poutine a évoqué par téléphone avec son homologue américain Barack Obama «le retrait partiel» des forces russes de Syrie. Josh Earnest, le porte-parole de Barack Obama, avait auparavant souligné qu’il était «difficile» de mesurer l’impact de cette annonce sur les négociations en cours.
La présidence russe ne précise ni si des avions de combat ni si des batteries antimissile S-400 resteront stationnés en Syrie. Depuis septembre, plus de 50 avions de combat russes ont visé des milliers de «cibles terroristes» en cinq mois de raids aériens intenses. La force de frappe russe a permis à l’armée syrienne d’engranger des victoires alors qu’elle se trouvait en mauvaise posture l’été dernier. Les Occidentaux ont toutefois accusé la Russie de privilégier, notamment pendant les premiers mois, les frappes sur les rebelles plutôt que sur l’organisation jihadiste Etat islamique.
A New York, l’ambassadeur russe à l’ONU Vitali Tchourkine a indiqué lundi que la diplomatie russe avait reçu l’ordre «d’intensifier (ses) efforts pour aboutir à un règlement politique en Syrie». A Genève, l’opposition syrienne a accueilli l’annonce avec prudence, déclarant attendre d’en vérifier les effets sur le terrain et redouter une «ruse» du Kremlin. Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a de son côté estimé que «si les annonces d’un retrait des troupes russes se concrétisent, cela augmente la pression sur le régime du président Assad pour négocier enfin de façon sérieuse à Genève une transition politique».
Le sort d’Assad
L’annonce du retrait russe est intervenue quelques heures après le début à Genève d’un nouveau cycle de négociations entre des représentants du régime syrien et de la très hétéroclite opposition. L’orchestrateur de ces discussions, Staffan de Mistura, envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a déclaré lundi que «la mère de toutes les questions» était de trouver un accord sur une transition politique. Mais alors que pour le négociateur en chef du régime de Damas, Bachar al-Jaafari, le sort du président syrien n’est pas à discuter, l’opposition syrienne veut la mise en place dans les six mois qui viennent d’un «organe de transition» doté de tous les pouvoirs.
La guerre en Syrie, qui a débuté en mars 2011 après la répression sanglante par le régime de manifestations prodémocratiques, s’est transformée en un conflit complexe impliquant une multitude d’acteurs locaux et internationaux. Elle a fait plus de 270 000 morts, poussé plus de la moitié des habitants à quitter leur foyer, provoquant une importante crise migratoire.
Le Quotidien