La nouvelle Commission européenne, dont les futurs commissaires ont été proposés cet été par chacun des États membres de l’UE, pourrait être largement dominée par les hommes, en dépit des appels à la parité de sa présidente Ursula von der Leyen.
Sur vingt pays ayant avancé un nom à ce stade, seize ont proposé des hommes. Sur un total de 27, le nombre de femmes commissaires pourrait donc potentiellement se limiter à six, dont Mme von der Leyen et la future cheffe de la diplomatie Kaja Kallas, déjà nommées.
Dans la foulée de sa reconduction, en juillet, pour un nouveau mandat de cinq ans, la responsable allemande avait adressé une demande claire et explicite aux États membres : deux candidatures, un homme et une femme.
À l’approche de la date-butoir du 30 août, le constat est sans appel : elle n’a pas été entendue. Aucun pays ne l’a fait. Et seuls quatre d’entre eux ont proposé une candidate.
Pour le Lobby européen des femmes (EWL), coalition d’organisations européennes, la situation est ahurissante.
« Si les États membres sont vraiment convaincus que seuls des hommes sont capables d’occuper ces postes ou qu’ils ne comptent pas de femmes suffisamment qualifiées dans leur pays, ils sont non seulement déconnectés mais aussi dans une posture délirante », juge Mirta Baselovic, sa porte-parole.
Pour Lina Galvez, présidente de la Commission sur les droits des femmes du Parlement européen, cet épisode est la démonstration d’un manque de « volonté politique ». « Cela envoie un très mauvais signal, particulièrement aux jeunes femmes et aux filles » explique-t-elle.
L’épisode illustre un rapport de force typiquement bruxellois.
« En tant qu’États membres, nous attendons de Mme von der Leyen qu’elle défende la parité. En même temps, nous sommes convaincus qu’il nous appartient de proposer le commissaire que nous préférons… », résume un diplomate européen sous couvert d’anonymat.
Bras de fer ?
Les traités européens ne prévoient aucune obligation de parité dans ce processus de nomination, et les États membres sont dans leur droit.
Pour autant, la présidente la Commission n’est pas sans armes, souligne Alberto Alemanno, enseignant à HEC Paris et spécialiste du droit européen.
« Mme von der Leyen a le droit de bloquer l’adoption de la liste proposée par les Etats membres. Du point de vue juridique, il n’y a aucun doute », explique-t-il dans un entretien.
Mais la question est surtout politique : la responsable allemande souhaite-t-elle, au début de son deuxième mandat, se lancer dans un bras de fer ?
« Elle n’a rien à perdre », estime M. Alemanno. S’opposer dès maintenant aux Etats membres serait « une belle occasion » pour elle de prouver son « indépendance et son autonomie ».
Autre solution : Mme von der Leyen, qui doit auditionner chacun des candidats proposés, peut en récuser certains ou négocier un autre nom avec les États membres. Elle dispose pour cela d’une arme de choc : c’est elle qui choisit les portefeuilles de chacun des futurs commissaires.
Ne rien faire pourrait être interprété comme un signal de faiblesse de la part de VDL, mais comporterait aussi un risque : retarder l’ensemble du processus.
Les commissaires européens, une fois nommés, doivent recevoir l’aval du Parlement européen, qui les auditionnera un par un d’ici fin octobre.
Or, les eurodéputés, sensibles sur le sujet de la parité, pourraient cette fois « renvoyer chez eux la moitié des commissaires » pour marquer leur désaccord, met en garde M. Alemanno.
Interrogé mardi sur l’attitude qu’adoptera la présidente sur ce dossier emblématique, le porte-parole de la Commission, Eric Mamer, est resté évasif, soulignant simplement que ses convictions étaient inchangées.
« La présidente fait tout ce qui est en son pouvoir pour aboutir à un collège équilibré avec des commissaires compétents et un collège qui compte le plus grand nombre de femmes possible », a-t-il expliqué.