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La Pologne dit adieu au maire de Gdansk


Dans la Basilique, quelque 3 500 personnes ont participé aux cérémonies funéraires. (Photo : AP)

Profondément émus, des milliers de Polonais se sont réunis dans la basilique de Gdansk samedi pour un dernier hommage au maire de la ville assassiné, lors d’une messe retransmise dans tout le pays.

Plusieurs personnes, dont les anciens présidents Lech Walesa et Aleksander Kwasniewski, ont essuyé leurs yeux pendant la cérémonie, en écoutant les adieux de la femme et de la fille aînée de Pawel Adamowicz, à l’issue de la messe.

« C’est comme si un membre de la famille nous avait quittés », a dit Rafal Jankowski, un habitant de Gdansk d’une trentaine d’années, devant la basilique Notre-Dame où la messe de funérailles était célébrée et qui devient le dernier lieu de repos de Pawel Adamowicz. « C’était la tristesse, le deuil, on n’arrivait pas à se concentrer sur le travail, sur nos obligations de tous les jours », ajoute le jeune homme, le visage crispé par la tristesse. « Il venait souvent dans notre école pour distribuer des prix, des bourses, ou pour inaugurer le terrain de sport. Il a beaucoup fait pour notre école, pour Gdansk. C’était quelqu’un de souriant, positif, qui parle avec tout le monde, quelqu’un d’adorable, qui prend soin de tout le monde », se rappelle Agnieszka Deja, une lycéenne de Gdansk, venue avec le drapeau de la ville sur les épaules.

Des écrans géants ont été disposés dans différents endroits de la ville pour permettre de suivre la cérémonie. Des photos du maire défunt étaient exposées dans d’innombrables vitrines de magasins, cafés et restaurants.

Dans la Basilique, quelque 3 500 personnes, dont tous les présidents successifs de la Pologne indépendante, ainsi que le Premier ministre Mateusz Morawiecki, ont participé aux cérémonies funéraires. Le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, ami de longue date de Pawel Adamowicz, a pris part aux cérémonies dès vendredi soir.

Discours de haine

Très populaire à Gdansk, Pawel Adamowicz, 53 ans, dirigeait avec succès cette ancienne ville hanséatique depuis 20 ans. Lors des dernières élections municipales à l’automne 2018, il a obtenu le soutien d’environ 65% des habitants.

Pour de nombreux Polonais, le véritable responsable de sa mort reste non le criminel, apparemment déséquilibré, qui l’a poignardé en l’accusant d’être indirectement responsable de son long séjour en prison, mais le discours de haine qui polarise la classe politique et la société polonaise. L’archevêque de Gdansk, Mgr Slawoj Leszek Glodz, l’a évoqué clairement dans son homélie. Il a appelé « à éliminer définitivement de notre vie politique, et même davantage, de notre espace public, le langage de mépris, et d’humiliation, de dénigrement, de refus du respect et de la dignité face à nos proches, parfois à nos anciens amis ».

« Cela ne peut plus durer. Nous disons: stop! » a encore lancé Mgr Glodz, avant de mettre en garde contre « la récidive d’une lutte des classes d’un genre particulier, dans des habits nouveaux et au moyen d’instruments médiatiques ».

Une vive hostilité persistante entre le parti conservateur au pouvoir Droit et Justice (PiS) et l’opposition centriste emmenée par la PO a transformé au cours des dernières années le débat publique en Pologne en un échange d’accusations mutuelles, d’invectives, de menaces, trouvant son prolongement, encore plus large et plus cru, sur internet. La passivité de l’Etat face au discours de haine est aujourd’hui largement dénoncée par les médias. Ce n’est qu’après la mort d’Adamowicz que la police a interpellé plusieurs internautes qui menaçaient de mort d’autres personnalités politiques, le plus souvent des libéraux.

Pawel Adamowicz est mort lundi à l’hôpital après avoir été poignardé en public la veille, au cours d’une fête pour la clôture d’une opération caritative. Le quotidien local Dziennik Baltycki a publié samedi les lettres d’adieu de sa femme et de ses deux filles de 16 et 8 ans. « Souvent, quand je te disais que tu es le meilleur papa du monde, tu me disais en plaisantant que je n’ai aucun point de comparaison. Mais je le savais, tout simplement. Tu me manques tant déjà », a écrit l’aînée. « Tu ne m’expliqueras pas tant de choses que tu devais m’expliquer. On n’a pas eu assez de temps. Merci pour ce que tu as été, un papa bien aimé, bon et chaleureux », ajoute-t-elle.

Le Quotidien/AFP