Leur politique climatique est jugée insuffisante, voire nocive : Angela Merkel et son gouvernement sont visés par de nouvelles requêtes constitutionnelles d’ONG et d’activistes environnementaux en Allemagne.
La chancelière a beau placer l’urgence climatique au coeur de nombre d’interventions publiques, elle peine à convaincre les associations, mais aussi une bonne partie de la jeunesse allemande. Plusieurs ONG, dont Germanwatch, Greenpeace, Bund ou Deutsche Umwelthilfe, ont donc décidé de tenter d’infléchir sa politique, jugée trop favorable aux voitures et à l’industrie, en saisissant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.
Elles sont soutenues par des défenseurs du climat comme Luisa Neubauer, figure allemande du mouvement Fridays for future, mais aussi une dizaine de requérants du Bangladesh et du Népal, des pays peu émetteurs mais frappés de plein fouet par les conséquences du réchauffement provoqué par les pays développés. « Je veux porter la voix de ces personnes en Allemagne, en Europe et dans d’autres pays responsables du réchauffement climatique », a expliqué lors d’une conférence de presse l’avocate bangladaise Yi Yi Prue.
L’Allemagne, 6e pays émetteur de CO2 selon les requérants, doit « apporter sa contribution à la hauteur de sa responsabilité en matière de changement climatique », a renchéri Remo Klinger, un des juristes à l’origine de cette démarche. Les mêmes ONG avaient déjà attaqué la politique du gouvernement devant le tribunal administratif de Berlin, avec des familles d’agriculteurs allemands. Mais les magistrats avaient jugé fin 2019 ces requêtes « irrecevables ». Elles reviennent à la charge, cette fois auprès de la plus haute juridiction allemande, en s’appuyant notamment sur une décision de la Cour suprême néerlandaise rendue fin 2019. Cette instance a ordonné à l’État néerlandais de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25% par rapport au niveau de 1990.
Les transports dans le collimateur
Les requérants allemands espèrent une décision similaire de la Cour suprême allemande, en invoquant en particulier l’article 2 de la Loi fondamentale allemande disant que « chacun a droit à la vie et à l’intégrité physique ». Leur démarche vise le plan gouvernemental qui comprend des aides à l’isolation des logements ou une hausse des tarifs de billets d’avions mais ne suffira pas, selon les plaignants, pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Les initiateurs de cette requête préconisent ainsi une limitation de la vitesse sur les routes, un tabou en Allemagne particulièrement dans le camp conservateur.
« Le secteur des transports est le principal responsable de la non-atteinte de l’objectif climatique », regrette Jürgen Resch, directeur de Deutsche Umwelthilfe. « Avec une limitation de vitesse de 120 km/h sur les autoroutes et de 80 km/h hors des agglomérations, il est possible d’éviter jusqu’à 5 millions de tonnes d’émission de CO2 ». Les requérants demandent en outre la fermeture immédiate des centrales à charbon, et non d’ici 2038 comme le prévoit le gouvernement. Ils prônent aussi des logements neutres en CO2, grâce à de nouvelles normes et une interdiction des systèmes de chauffage au pétrole et au gaz.
« Il ne s’agit plus seulement des générations futures, mais aussi de notre génération et de notre vie », a estimé Luisa Neubauer, pour qui la politique climatique du gouvernement d’Angela Merkel « entrave la liberté des jeunes, ce qui n’est pas compatible avec la Loi fondamentale ».
L’environnement est devenu le deuxième thème le plus important aux yeux des Allemands, derrière l’immigration, en nette baisse cependant depuis 2017. Les Verts sont, selon les sondages, la deuxième force politique du pays derrière les conservateurs. Mais la transition vers un modèle plus écologique n’est pas sans difficulté en Allemagne, avec un secteur automobile et des mines, en ex-RDA, qui emploient des dizaines de milliers de personnes. La cohabitation entre les agriculteurs, rompus à l’utilisation de pesticides, et les apiculteurs, qui ont déversé mercredi matin, du miel contaminé au glyphosate devant le ministre de l’Agriculture, est également complexe.
LQ/AFP