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La justice espagnole s’apprête à demander l’arrestation de Puigdemont en Belgique


(Photo : AFP)

Après l’incarcération de huit membres de son gouvernement, la justice espagnole devait demander vendredi à la Belgique de lui livrer le président indépendantiste destitué Carles Puigdemont, sous le coup de poursuites après la déclaration d’indépendance de la Catalogne.

Un mandat d’arrêt européen devrait être émis dans la journée par la juge madrilène chargée d’instruire le procès des dirigeants destitués, une semaine après la proclamation de la « République de Catalogne » indépendante le 27 octobre.

Avec 13 membres de son exécutif et six membres du bureau du Parlement catalan, Carles Puigdemont était appelé à comparaître jeudi devant la juge saisie par le parquet général de l’Etat.

Mais comme il l’avait annoncé, M. Puigdemont est resté à Bruxelles où il se trouve depuis le début de semaine avec apparemment quatre de ses « ministres » pour, dit-il, alerter l’Europe sur « la répression » en Catalogne.

Restés eux en Espagne, Oriol Junqueras, le numéro deux du gouvernement catalan déchu, et sept autres de ses membres ont comparu à Madrid. Ils ont été inculpés de sédition et de rébellion et écroués à l’issue de leur audition.

Un neuvième ministre, Santi Vila, qui avait démissionné avant la proclamation de la « République » et le seul à avoir répondu aux questions de la magistrate, pourra être mis en liberté provisoire moyennant le paiement d’une caution.

Risque de fuite

Dans son ordonnance, la juge de l’Audience nationale a justifié sa décision d’incarcérer les responsables indépendantistes dans une référence univoque à Carles Puigdemont.

« Il faut garder à l’esprit le fait que certains des mis en cause sont déjà partis dans d’autres pays, esquivant leurs éventuelles responsabilités pénales », a-t-elle écrit.

Pour le quotidien El Pais, nul doute que « la fuite de l’ex-président de la Généralité a valu la prison à celui qui fut son vice-président, Oriol Junqueras, et à sept autres ministres de son gouvernement ».

Dans un message télévisé depuis Bruxelles, M. Puigdemont a estimé que la décision de la justice n’était « plus une affaire interne espagnole » et que la communauté internationale devait « se rendre compte du danger » qu’elle constituait.

Dans une interview publiée vendredi par le quotidien français Le Figaro, le ministre espagnol des Affaires étrangères estime que « Puigdemont veut internationaliser la crise ».

« Le choix de la Belgique n’est pas anodin. Les indépendantistes flamands montrent de la sympathie à l’égard de la Catalogne, et le gouvernement belge semble aussi enclin à une certaine compréhension », affirme encore Alfonso Dastis.

Radicalisation

L’incarcération des huit « ministres » a ému et choqué de nombreux Catalans, indépendantistes ou non, qui craignaient un regain de tensions à moins de deux mois des élections régionales convoquées pour le 21 décembre par le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy après la mise sous tutelle des institutions catalanes, en riposte à la déclaration d’indépendance.

Le grand journal catalan La Vanguardia s’alarmait vendredi des conséquences de cette incarcération, « le pire scénario » imaginable, pour la paix civile dans la région de 7,5 millions d’habitants.

« Nous sommes de nouveau au bord de l’abîme » avec un risque réel que les juges madrilènes « contribuent à faire grossir les rangs des franges les plus radicales » de l’indépendantisme, écrit le journal.

Deux puissantes associations séparatistes, l’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural dont les chefs ont été placés en détention mi-octobre pour « sédition », ont appelé à de nouvelles manifestations.

Un responsable du parti d’extrême gauche indépendantiste CUP, Carles Riera, a prôné de répondre aux juges madrilènes par « une grève générale et une mobilisation massive ».

Dès jeudi soir, quelque 20.000 personnes se sont rassemblées devant le Parlement catalan à Barcelone, et dans plusieurs autres villes de la région, pour exiger « la libération des prisonniers politiques ».

« Le problème, c’est que M. Rajoy, au lieu de dialoguer, envoie la police ou se sert de la justice », protestait un électeur « indépendantiste de toujours », Josep Manel Boix, ancien secrétaire administratif de 63 ans. « Nous avons des prisonniers politiques: ça empire les choses mais cela va aussi ouvrir les yeux de beaucoup, en Europe comme en Catalogne », croit-il.

La Banque d’Espagne dit craindre « une récession » en cas de tension politique « sévère et prolongée » en Catalogne d’où sont déjà parties près de 2.000 entreprises, déménageant leur siège vers d’autres régions espagnoles.

Le Quotidien / AFP