Ces derniers jours aux Etats-Unis ont été tués par balle des enfants âgés de 12 ans, 8 ans… ou 5 mois: ces faits-divers absurdes et choquants illustrent le péril de la prolifération des armes à feu et l’inconscience des adultes qui en sont responsables.
Dans ces tragédies à répétition jouent la malchance, mais surtout la négligence, comme le montre cet exemple typique, relaté lundi par The Repository of Canton, petit journal de l’Ohio: deux frères âgés de 11 et 12 ans sont invités à un stand de tir, ce qui n’a rien d’original dans un pays où il est courant d’égayer ses week-ends en vidant des chargeurs. Une arme traîne sur une table de pique-nique. Le plus jeune s’en saisit, le coup part, son frère s’écroule, mortellement touché en pleine tête.
Dimanche, les médias ont aussi rapporté le décès dans le Tennessee d’une fillette de huit ans, abattue par son voisin de 11 ans. A l’origine du drame, une simple dispute enfantine concernant un chiot. Le pré-adolescent n’a eu qu’à s’emparer du fusil calibre 12 de son père, qui n’était pas sous clé.
Une étude réalisée en 2000 par l’American Journal of Public Health auprès de foyers avec enfant(s) et arme(s) avait conclu que, dans plus de 40% de ces foyers, se trouvait au moins une arme conservée sans cran de sûreté engagé ou dans un espace non fermé.
Quinze ans plus tard, le problème est loin d’être réglé, malgré d’innombrables campagnes de sensibilisation, menées aussi bien par le lobby des armes que par ses adversaires. La puissante National Rifle Association (NRA) prodigue ainsi sur son site des recommandations aux parents de jeunes enfants.
Ne pas dire « pan-pan »
«Chez nous, les armes sont appelées armes, on ne dit pas bang-bang, boum-boum ou pan-pan», confie une souriante «maman NRA», dans une vidéo. La femme déconseille l’acquisition de tout jouet représentant une arme, par souci d’éviter toute «confusion».
Aujourd’hui un tiers des enfants américains habitent dans un foyer possédant au moins une arme. Deux millions d’entre eux vivent près d’une arme non sécurisée, affirme l’organisation Everytown for Gun Safety. D’autres études montrent que deux tiers des enfants savent parfaitement où leurs parents rangent ou cachent leur(s) arme(s), quand bien même les adultes sont convaincus du contraire.
Le stockage n’est toutefois qu’une facette du problème. Les accidents surviennent partout, tout simplement car les armes circulent partout.
«Les morts par arme à feu d’enfants sont bien plus élevées aux Etats-Unis que dans le reste des pays développés car nous avons tant d’armes et de lois laxistes en matière d’armes», explique David Hemenway, expert de l’université d’Harvard.
Les Etats-Unis comptent presque autant d’armes à feu détenues par les civils que d’habitants.
«De plus, trop de parents ne comprennent pas que leurs enfants n’ont pas encore totalement développé leur psychologie, et qu’on ne peut pas attendre d’enfants qu’ils se comportent comme des petits adultes», ajoute le professeur Hemenway.
Il n’est pas inhabituel aux Etats-Unis de faire tirer des mineurs de 12 ans à balles réelles, malgré le risque que fait courir le recul de l’arme et malgré la faible appréhension du danger chez le jeune âge. En août 2014, en maniant un pistolet mitrailleur Uzi, une fillette de neuf ans avait tué son instructeur de tir dans l’Arizona.
Tueur à deux ans
Quatre mois plus tard, un bambin de deux ans avait accidentellement tué sa mère dans un supermarché de l’Idaho (nord), en agrippant le pistolet qu’elle transportait dans son sac. Ces affaires ont choqué l’Amérique et suscité la consternation au-delà des frontières. Mais rien n’a vraiment changé depuis.
Un an après l’accident du stand de tir de l’Arizona, les enfants y sont toujours autorisés à canarder les cibles, selon un récent reportage du New York Times. Ces derniers jours le débat est relancé par une énième tuerie sur un campus universitaire, qui a mis en colère Barack Obama. Le président américain se rendra vendredi au chevet des victimes, dans l’Etat de l’Oregon.
Son gouvernement apparaît toutefois impuissant à freiner la nouvelle recrudescence des homicides dans les métropoles américaines. Les tout-petits paient un lourd tribut à cette violence, ayant moins le réflexe de s’abriter en cas de fusillade.
Depuis début septembre la ville de Cleveland a ainsi enregistré la mort par balle d’un enfant de 5 ans, suivie d’un autre de 3 ans. Jeudi y seront célébrées les obsèques d’Aavielle Wakefield, décédée à l’âge de 5 mois d’une balle en pleine poitrine.
AFP/M.R.