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« La disparue du Vatican » : ouverture d’une enquête, 40 ans après


En 2019, à la demande des membres de la famille suite à un message énigmatique reçu par leur avocate, le Vatican avait autorisé l'ouverture des tombes de deux princesses mortes au XIXe siècle dans le cimetière teutonique. (Photo AFP)

Le plus célèbre « cold case » du Vatican relancé ? Le Saint-Siège a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la mystérieuse disparition en 1983 d’une adolescente vivant au Vatican, une affaire à tiroirs jamais élucidée qui a fait l’objet d’un documentaire sur Netflix.

Emanuela Orlandi, 15 ans à l’époque, et dont le père travaillait pour le Vatican, a disparu après un cours de musique dans le centre de Rome le 22 juin 1983. Depuis, l’affaire a donné lieu à de multiples thèses, jamais prouvées, et n’a cessé de passionner les Italiens, sur fond de théories du complot mettant en cause les services secrets, la mafia, les hautes autorités vaticanes et la franc-maçonnerie.

Une ancienne maîtresse d’Enrico de Pedis, un « boss » mafieux soupçonné d’appartenir à la loge maçonnique P2 et à des secteurs de la finance du Vatican, a affirmé que ce dernier avait enlevé la jeune fille et coulé son corps dans du béton.

La justice italienne est allée jusqu’à faire ouvrir en 2012 la tombe du parrain, l’un des chefs d’un groupe criminel romain surnommé « la banda della Magliana », mais les analyses ADN n’ont rien démontré.

Selon certaines thèses, l’adolescente a été enlevée par ce groupe criminel pour recouvrer un prêt auprès de l’ancien président américain de la banque du Vatican (IOR), Mgr Paul Marcinkus.

« Elle est au ciel »

Cette affaire aux multiples rebondissements a fait l’objet d’une série documentaire diffusée fin 2022 sur Netflix, intitulée « Emanuela Orlandi, la disparue du Vatican », dans laquelle le frère d’Emanuela, Pietro, affirme que le pape François lui aurait dit: « Elle est au ciel », laissant entendre – selon la famille – que le Vatican sait ce qu’est devenue la jeune fille.

Le documentaire, dans lequel des témoignages confirment la thèse de l’enlèvement, donne aussi la parole à une amie de l’adolescente affirmant qu’Emanuela lui aurait confié avoir été « importunée » par les avances sexuelles d’un proche du pape Jean Paul II dans les jardins du Vatican, quelques jours avant sa disparition.

En 2019, à la demande des membres de la famille suite à un message énigmatique reçu par leur avocate, le Vatican avait autorisé l’ouverture des tombes de deux princesses mortes au XIXe siècle dans le cimetière teutonique, mais celles-ci ne contenaient pas d’ossements. Des experts avaient également examiné les restes retrouvés dans deux ossuaires du Vatican, sans succès.

Dans l’attente de la justice vaticane

L’avocate de la famille, Laura Sgro, souhaite désormais connaître les intentions de la justice vaticane.

« Nous ne savons pas ce que va faire le Vatican. Dans les prochaines heures, je demanderai une rencontre au promoteur de justice pour comprendre. Jusqu’à présent, le Vatican n’a rien fait », a-t-elle déclaré à l’AFP.

« Quels sont les documents qu’ils veulent revoir, ceux de l’enquête du parquet de Rome ou ont-ils un dossier qu’ils veulent partager ? », s’est-elle interrogée. « Je demande depuis des années que certaines personnalités appartenant au sommet du Vatican soient entendues (…), malheureusement certaines sont décédées entre-temps », déplore Me Sgro.

Malgré l’ancienneté du dossier, la famille d’Emanuela continue de réclamer justice et dénonce le silence coupable du Vatican.

« Le silence les a rendus complices »

« Une longue enquête n’est pas nécessaire car ils connaissent déjà la vérité, il suffit de la révéler », a écrit sur Facebook Pietro Orlandi. Il a aussi publié une illustration sur laquelle on peut voir les papes Jean Paul II, Benoît XVI et François avec la mention: « Le silence les a rendus complices ».

Parmi les nombreuses théories ayant émaillé cette affaire, une thèse évoque un enlèvement de l’adolescente pour arracher la libération de Mehmet Ali Agça, le Turc qui avait tenté d’assassiner Jean Paul II en 1981.

Dans une lettre ouverte, M. Ali Agça, libéré en 2010, avait assuré en 2019 qu’Emanuela Orlandi était vivante et qu’il fallait chercher sa trace dans les archives de la CIA.