La Russie s’est donné mardi deux ans pour développer un nouveau type de missile terrestre à la suite de la suspension par Washington et Moscou du traité de désarmement nucléaire INF, faisant craindre une nouvelle course aux armements.
Avec la suspension de leur participation à ce traité crucial, les deux puissances rivales ont désormais les mains libres pour développer des missiles terrestres d’une portée de 500 à 5500 km, qui étaient jusqu’alors interdits par le document. La signature de ce traité à la fin de la Guerre froide, en 1987, avait mis un terme à la crise des euromissiles déclenchée par le déploiement des SS-20 soviétiques à têtes nucléaires ciblant les capitales occidentales.
Le président russe, Vladimir Poutine, avait menacé d’adapter des engins de portée intermédiaire jusqu’alors déployés en mer ou dans les airs – comme le permet le traité INF – pour qu’ils puissent être tirés à partir du sol si les Américains se retiraient. Sans tarder, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a détaillé mardi ses intentions: ce sera le système Kalibr, utilisé pour la première fois en opération par la Russie à l’automne 2015, qui sera ainsi adapté en variante terrestre avec pour horizon 2019-2020.
« Au cours de la même période, nous devrons créer un système de missiles terrestre de longue portée », a ajouté Sergueï Choïgou, se félicitant que le Kalibr a « fait ses preuves en Syrie ». Moscou avait pour la première fois lancé le 7 octobre 2015 une salve de 26 missiles depuis un croiseur situé en mer Caspienne pour frapper des positions des rebelles syriens situées à 1 500 km de là. Jusqu’alors connues au seul stade de prototype, cet équivalent des Tomahawk américains, dispose ainsi d’un rayon d’action susceptible de couvrir toute l’Europe. –
Armes « invincibles »
« Nous sommes à deux doigts d’une nouvelle course aux armements », a constaté Konstantin Makienko, expert au Centre d’analyse pour les stratégies et les technologies à Moscou, soulignant que la conversion des Kalibr en missiles terrestres serait rapide. Selon Sergueï. Choïgou, les États-Unis travaillent eux-mêmes « activement à la création d’un missile terrestre d’une portée supérieure à 500 km », raison pour laquelle « le président russe a donné l’ordre de prendre des mesures réciproques ».
Les États-Unis et la Russie s’accusent déjà mutuellement de violer le traité INF. Washington met ainsi en cause le système de missiles russe 9M729, tandis que Moscou évoque le système de défense antimissile américain Aegis Ashore déployés en Pologne et en Roumanie. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov s’est notamment inquiété mardi de l’acquisition par le Japon de ce système d’interception.
Vladimir Poutine avait dévoilé en mars 2018 de nouvelles armées « invincibles » développées par son pays, dont une nouvelle génération de missiles hypersoniques, baptisés Avangard, pour lesquels des essais en décembre dernier ont témoigné d’une portée de 4 000 km selon le Kremlin. La nouvelle posture nucléaire américaine, rendue publique en 2018, évoque pour sa part la mise au point par les États-Unis d’un missile nucléaire de faible puissance ou d’un missile de croisière d’une portée qui violerait le traité INF. Le ministère russe de la Défense avait accusé samedi les États-Unis d’avoir pris la décision d’abandonner cet accord dès 2017 en lançant « les préparatifs » pour produire de nouveaux missiles. La Russie a accusé à plusieurs reprises les États-Unis de chercher à rompre les traités existants pour parvenir à son « épuisement économique » par « une nouvelle course aux armements », dans laquelle elle assure ne pas vouloir se lancer. Après la suspension du traité INF, l’avenir du traité START de réduction des arsenaux nucléaires, qui arrive à échéance dans deux ans, est également en question. Vendredi, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov a affirmé qu’il pouvait « simplement expirer le 5 février 2021 sans être prolongé ».
AFP