L’armée nord-coréenne a détruit à l’explosif mardi des tronçons de routes autrefois utilisées pour les échanges transfrontaliers avec la Corée du Sud, selon Séoul, nouvel épisode de la montée des tensions entre les deux ennemis.
« La Corée du Nord a fait sauter des parties des routes Gyeongui et Donghae au nord de la ligne de démarcation militaire », a déclaré l’état-major interarmées sud-coréen, en employant la dénomination officielle de la frontière inter-coréenne. En réponse, les forces sud-coréennes ont procédé à des « tirs de réponse » sur leur propre territoire, a-t-il ajouté, sans plus de précisions.
L’armée nord-coréenne avait confirmé le 9 octobre qu’elle allait couper « définitivement » les axes routiers et ferroviaires, hautement symboliques, reliant les deux pays, et construire des « structures défensives fortes » le long de la frontière.
En pratique, la frontière entre les deux Corées est déjà totalement fermée. Depuis la fin de la guerre en 1953, les deux routes et les deux lignes ferroviaires inter-coréennes n’ont été rouvertes que lors de brèves périodes de détente.
En juin 2020, la Corée du Nord avait déjà dynamité un Bureau de liaison intercoréen ouvert en 2018, alors que les relations entre Séoul et Pyongyang vivaient une de ces éphémères embellies, à Kaesong, à quelques kilomètres au nord de la frontière.
« Principal ennemi »
La destruction de ces routes inutilisées est une nouvelle illustration du durcissement de la politique du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un à l’égard de la Corée du Sud, qu’il a désigné comme « le principal ennemi » de son pays.
En janvier 2024, M. Kim a également ordonné la dissolution de toutes les institutions chargées des relations avec Séoul et des projets de réunification de la Corée et a menacé d’entrer en guerre pour toute violation de son territoire « ne serait-ce que de 0,001 millimètre ».
Les rapports entre les deux Corées se sont considérablement détériorés depuis l’arrivée au pouvoir à Séoul en 2022 du président conservateur Yoon Suk Yeol, partisan d’une politique de fermeté à l’égard du Nord et d’un renforcement de l’alliance militaire avec les Etats-Unis et le Japon. Les trois alliés mènent régulièrement des exercices militaires conjoints que Pyongyang considère comme des répétitions générales pour une invasion du Nord.
Selon les médias d’Etat nord-coréens, Kim Jong Un a présidé lundi une réunion des plus hauts responsables militaires du pays et a défini les lignes d’une « action militaire immédiate ».
Cette réunion a eu lieu alors que le régime nord-coréen se plaint de plusieurs survols de drones qui ont, selon lui, largué sur la capitale des tracts de propagande bourrés de « rumeurs incendiaires et de bêtises » et accuse Séoul d’en être responsable.
Pyongyang a prévenu dimanche qu’un drone de plus serait considéré comme « une déclaration de guerre ».
Le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Yong-hyun, a démenti toute implication, avant une mise au point venue de l’état-major interarmées sud-coréen qui a déclaré « ne pas pouvoir confirmer si les allégations nord-coréennes étaient vraies ou non ».
Les spéculations locales désignent des groupes de militants de Corée du Sud qui ont l’habitude d’envoyer de la propagande et des dollars vers le Nord, généralement par ballon mais aussi parfois à l’aide de petits drones difficilement détectables.
Depuis mai, la Corée du Nord envoie elle des milliers de ballons chargés d’immondices vers le sud, ce qui a incité Séoul à reprendre ses émissions de propagande par haut-parleur le long de la frontière et à suspendre un accord conclu en 2018 dans le but de prévenir les accrochages militaires.
Fin 2022, cinq drones nord-coréens avaient pénétré dans l’espace aérien du Sud, le premier incident de ce type en cinq ans, paralysant le trafic aérien à l’aéroport international de Séoul. L’armée sud-coréenne avait fait décoller des avions de chasse, qui n’avaient réussi à abattre aucun drone.
En juillet, Séoul a annoncé le déploiement d’ici la fin de l’année de systèmes laser capables de faire fondre les drones en plein vol.
Après la réunion des hauts-responsables de lundi à Pyongyang, « l’attention se porte sur la question de savoir si la Corée du Nord répondra en envoyant des drones vers le Sud ou si elle prendra des mesures fortes si des drones s’infiltrent à nouveau sur son territoire », explique à l’AFP Cheong Seong-chang, chercheur à l’Institut Sejong.
« La Corée du Nord est susceptible de se livrer à de groses provocations le long de la frontière si les infiltrations de drones se répètent », a-t-il prédit.