La Corée du Nord a affirmé mercredi avoir réussi son premier essai de bombe à hydrogène, bien plus puissante que la bombe atomique ordinaire, montrant ainsi que l’Etat «paria» poursuit son programme nucléaire malgré l’interdiction de la communauté internationale.
Cette annonce de test de bombe H par Pyongyang – survenue à deux jours de l’anniversaire du dirigeant suprême Kim Jong-Un – a été accueillie avec le plus grand scepticisme par les spécialistes, qui jugent que l’activité sismique provoquée est trop faible. Ceci n’a pas empêché la communauté internationale prise par surprise de jeter immédiatement l’opprobre sur la Corée du Nord.
«Le premier essai de bombe à hydrogène de la République a été mené avec succès à 10H00» (01h30 GMT), a annoncé la télévision officielle nord-coréenne, précisant que l’engin était «miniaturisé». «Avec le succès parfait de notre bombe H historique, nous rejoignons les rangs des Etats nucléaires avancés».
Une bombe à hydrogène, ou bombe thermonucléaire, utilise la technique de la fusion nucléaire et produit une explosion beaucoup plus puissante qu’une déflagration due à la fission, générée par les seuls uranium ou plutonium.
La télévision a montré un ordre signé de la main du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un, daté du 15 décembre, donnant le feu vert au test et accompagné d’une exhortation à entamer l’année 2016 au «son exaltant de la première explosion d’une bombe à hydrogène».
Condamnations internationales
La Corée du Sud et le Japon voisins ont dénoncé une «violation» flagrante des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, imités par Londres et Paris, tandis que le Conseil de sécurité a décidé de se réunir d’urgence à New York.
La Chine alliée de la Corée du Nord s’est dite «fermement opposée» à cet essai et la Maison Blanche a promis une réaction «appropriée» aux «provocations» de Pyongyang, tout en se disant incapable de confirmer qu’il s’agissait bien d’une bombe à hydrogène.
Pyongyang a testé trois fois la bombe atomique A, qui utilise la seule fission, en 2006, 2009 et 2013, ce qui lui a valu plusieurs volées de sanctions internationales. Le mois dernier, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un avait laissé entendre que son pays avait mis au point une bombe H, une déclaration largement mise en doute par les spécialistes internationaux.
La circonspection n’était pas moins grande après les annonces de mercredi.
«Les données sismologiques suggèrent que l’explosion a été considérablement moins forte que celle qu’on attendrait d’un essai de bombe H», a déclaré le spécialiste australien de la politique nucléaire Crispin Rovere. «A première vue, il semblerait qu’ils aient mené un essai nucléaire réussi mais n’ont pas réussi à mener à bien la deuxième étape, celle de l’explosion d’hydrogène».
Bruce Bennett, analyste à la Rand Corporation, n’était pas non plus convaincu.
«Cette arme avait probablement la taille de la bombe américaine d’Hiroshima mais ce n’était pas une bombe à hydrogène. On a affaire à de la fission», a dit ce spécialiste de la défense à la BBC. «Le bang qu’ils auraient obtenu aurait été 10 fois supérieur à ce qu’ils ont obtenu» effectivement.
Les premiers soupçons sur un nouvel essai nord-coréen ont été émis par des sismologues qui ont détecté un séisme de magnitude 5,1 près du principal site d’essais nucléaires, dans le nord-est du pays.
La Chine, acteur clé
La plupart des spécialistes estimaient que Pyongyang était à des années de pouvoir développer une bombe thermonucléaire, mais étaient divisés quant à ses capacités de miniaturiser l’arme atomique. La miniaturisation est une étape décisive car elle permet de monter l’arme nucléaire sur des ogives de missiles.
Bombe H ou pas, ce quatrième essai nucléaire nord-coréen constitue un affront flagrant envers les ennemis comme les (rares) alliés de Pyongyang, qui l’ont averti que le prix à payer pour la poursuite de son programme nucléaire serait très élevé.
Le fait que les précédentes sanctions internationales n’aient pas empêché la Corée du Nord de procéder à un quatrième test devrait susciter des appels à des réactions plus dures cette fois-ci. Le président Barack Obama avait qualifié en 2014 la Corée du Nord «d’Etat paria» et promis des sanctions plus fermes en cas de nouvel essai.
La réaction de la Chine, principal allié de Pyongyang, sera observée de près. Pékin a fait pression par le passé pour limiter la portée des sanctions contre la Corée du Nord, mais semblait s’impatienter ces derniers temps du refus de Pyongyang d’abandonner son programme nucléaire.
«Pékin fera l’objet de pressions croissantes pour punir et faire rentrer Kim Jong-Un dans le rang, et contraindre au bout du compte Pyongyang a abandonner ses armes nucléaires», a expliqué Yanmei Xie, analyste chargé de l’Asie du Nord-Est pour le International Crisis Group.
Mais de l’avis des spécialistes, la capacité d’action de Pékin est limitée par ses craintes de voir ce pays s’effondrer et que naisse à sa frontière une Corée réunifiée soutenue par les États-Unis.
Pékin est à la manœuvre pour une reprise des pourparlers à six (Corée du Nord, Corée du Sud, États-Unis, Russie, Chine, Japon) sur le programme nucléaire nord-coréen, au point mort depuis 2008. Il semblerait que ce quatrième essai sonne le glas des espoirs de le raviver.
AFP/M.R.