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La Commission européenne de la dernière chance, un an après


Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, à Strasbourg le 27 octobre 2015. (Photo : AFP)

Grèce, crise des migrants, diplomatie… La Commission européenne emmenée par Jean-Claude Juncker est sur tous les fronts. Si l’institution offre une image renouvelée un an après son entrée en fonctions, le bilan est mitigé face à des citoyens de plus en plus eurosceptiques, comme l’illustre la récente victoire des conservateurs populistes en Pologne.

En prenant les rênes de l’exécutif européen en novembre 2014, Jean-Claude Juncker avait promis d’en finir avec une institution obnubilée par la réglementation et de mettre sur pied la «Commission de la dernière chance». Exit les législations sur la forme des concombres, place au «politique».

Un an après, la mission est en partie accomplie. «La Commission Juncker est plus politique que d’ordinaire, elle essaie d’agir partout où il y a un problème», et ne se contente pas de faire des propositions et de veiller au respect des règles européennes, analyse Daniel Gros du CEPS, un think-thank bruxellois.

Elle a ainsi joué un rôle capital pendant la crise grecque, au grand dam de l’Allemagne. Jean-Claude Juncker s’est impliqué personnellement dans ces négociations, appelant le peuple grec à voter «oui» au référendum qui a fait trembler l’Europe. Le «non» l’a finalement emporté, sans faire exploser l’Europe.

Sur la crise des réfugiés, la Commission a fait dès le printemps dernier des propositions pour que les Etats membres se répartissent le fardeau. Des propositions alors jugées inacceptables mais qui ont fini par convaincre la majorité des Etats membres quand la crise a atteint son apogée.

Sur ces dossiers, Jean-Claude Juncker a «beaucoup donné de sa personne et il a «su aussi prendre ses responsabilités au risque d’empiéter sur les compétences d’autres acteurs», souligne Jean-Dominique Giuliani de la Fondation Robert Schuman. Pour la question grecque, qui concernait l’argent des contribuables et donc les Etats membres, il a été un facilitateur.

Mais cette omniprésence complique la donne quand, par exemple, Jean-Claude Juncker organise un mini-sommet sur les Balkans alors que les réunions de chefs d’Etat sont la prérogative du Conseil européen et de son président, le Polonais Donald Tusk.

«Il y a des points de friction dans la relation» entre les deux hommes, estime Janis Emmanouilidis, du European Policy Center (EPC). «Il va falloir surveiller si cela mène à un conflit ouvert». Sur la question des réfugiés notamment, «M. Tusk privilégie l’aspect sécuritaire tandis que Jean-Claude Juncker cherche davantage un équilibre» entre humanitaire et sécurité, poursuit l’expert.

Centralisation

L’omniprésence de son président est aussi un problème pour l’institution. Les commissaires ont parfois du mal à exister, à de rares exceptions près comme la Danoise Margrethe Vestager en charge de la Concurrence et du dossier Google. Même les vice-présidents, dont plusieurs sont d’anciens Premiers ministres, peinent à sortir du lot, observe-t-on à Bruxelles.

«Ce qui a changé, c’est que le cercle du président est au centre de tout», analyse Daniel Gros. Pendant ce temps, «les services de la Commission continuent trop souvent +business as usual+ à traîner les pieds et n’ont pas toujours pris le tournant politique», renchérit M. Giuliani.

Cette centralisation pose problème quand M. Juncker est personnellement mis en cause, ce qui est arrivé au début de son mandat, avec les révélations sur les pratiques fiscales du Luxembourg, dont il a été le Premier ministre pendant 18 ans.

Autre difficulté: à force de gérer des crises, la Commission n’est pas visible sur les autres dossiers et semble manquer d’ardeur.

L’union de l’énergie ou l’union de marchés de capitaux avancent mollement. Quant au plan d’investissement, le «plan Juncker», il ne sera pas le levier de croissance et d’emplois promis, à cause notamment du soutien trop timide des Etats membres.

«On nous a trop promis. Le risque est qu’on lance des projets qui auraient été lancés de toute façon mais pas de projets supplémentaires», avance l’analyste du CEPS, pour qui la solution désormais est «moins de crises pour se concentrer sur l’essentiel».

Avant de prendre ses fonctions, Jean-Claude Juncker avait affirmé que cette Commission avait cinq ans pour redonner confiance. «Soit nous réussissons à rapprocher les citoyens de l’Europe, à réduire drastiquement le niveau du chômage et à redonner une perspective européenne aux jeunes, soit nous échouons».

La crise migratoire actuelle, qui fait gonfler le camp des eurosceptiques, en Pologne notamment, risque aussi de peser sur le bilan de la Commission Juncker. Les élections régionales en France, prévues en décembre, seront à cet égard un test pour les partis traditionnels ainsi que pour l’exécutif européen. Verdict final en 2019.

AFP/M.R.