La Catalogne reprend lundi le travail, sous administration directe du gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy, dans l’attente de savoir si ses dirigeants séparatistes destitués après la déclaration d’indépendance de vendredi tenteront de résister en se rendant à leurs bureaux.
Lundi matin à 10h30 (09h30 GMT), le drapeau espagnol flottait toujours sur le palais de la Généralité, siège de l’exécutif catalan, devant lequel étaient postés des dizaines de journalistes afin de savoir si oui ou non le président catalan destitué Carles Puigdemont chercherait à reprendre ses fonctions.
Au moins un « conseiller » (ministre) de la Généralité, Josep Rull, en charge de l’administration territoriale s’est rendu à son bureau, avant de repartir pour une réunion de son parti.
La police catalane a reçu la consigne d’autoriser l’accès aux bureaux des « conseillers » (ministres régionaux) pour qu’ils prennent leurs effets personnels. Et en cas de refus de quitter les lieux, les policiers doivent dresser un PV à transmettre à la justice.
« Nous sommes dans l’attente de ce que va faire demain le gouvernement » de M. Puigdemont, a expliqué dimanche soir, sous couvert de l’anonymat un haut responsable indépendantiste.
« S’ils croient eux-mêmes qu’ils sont le gouvernement de la République, alors nous sortirons pour les protéger, mais s’ils ne font rien, nous aviserons », a dit cette source, assurant qu’un signal clair serait « qu’ils aillent tous travailler à leurs bureaux ».
« On attend de savoir si le président et les conseillers vont pouvoir travailler », confiait aussi à l’AFP Gemma Manosa, une secrétaire de 44 ans interrogée en début de matinée à Barcelone, salariée dans le secteur privé et ayant voté pour le parti de Carles Puigdemont.
« Moi je pense que Puigdemont reste le président pour ceux qui croient en l’indépendance (..) mais pour ceux qui ont manifesté hier contre l’indépendance, c’est le Parti populaire (de Mariano Rajoy) qui dirige », a-t-elle ajouté.
Dimanche, signe d’une région très divisée, des centaines de milliers de partisans de l’unité de l’Espagne sont descendus dans les rues de Barcelone, après les dizaines de milliers qui avaient manifesté leur joie à l’annonce de la naissance de leur « République » vendredi.
‘Guerre psychologique’
A peine quelques heures après la proclamation d’indépendance votée au parlement catalan, le gouvernement a mis la région sous tutelle, au titre de l’article 155 de la Constitution, jusqu’ici jamais utilisé.
Mariano Rajoy a convoqué des élections pour le 21 décembre. Il a destitué Carles Puigdemont et son équipe. La vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, a été désignée pour diriger la Catalogne.
Carles Puigdemont a appelé samedi ses partisans à s’opposer pacifiquement, comme son vice-président Oriol Junqueras, qui a cependant évoqué aussi un combat à travers les « urnes », sans dire si son parti, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) participera au scrutin convoqué par M. Rajoy.
Puigdemont n’a officiellement plus de pouvoirs, plus de signature, plus de fonds à distribuer.
Et le parquet général d’Espagne a prévu d’engager rapidement une procédure judiciaire contre lui pour « rébellion », même s’il soupèse aussi des poursuites pour « sédition », moins lourdes.
Chacun attend aussi de savoir quelle va être l’attitude des quelque 200.000 fonctionnaires catalans, supposés passer sous les ordres de Madrid.
Evoquant « un retour à la réalité », un haut responsable indépendantiste estimait aussi dimanche soir que « le gouvernement de la République n’a pas la capacité de s’imposer ».
Il évoquait cependant la volonté des indépendantistes de continuer à lutter, du moins de manière « symbolique » pour « démontrer que l’Etat (espagnol) est faible sur ce territoire ».
‘Un monde parallèle’
Une certaine déception semblait régner dans la mouvance sécessionniste, mobilisée ces dernières années par d’immenses manifestations pacifiques pour réclamer « l’indépendance maintenant ».
Celle qui a été proclamée vendredi par 70 députés sur 135, n’a été reconnue par aucun Etat à l’étranger et a été contestée par des centaines de milliers de manifestants dimanche (300.000 selon la police municipale, un million selon la préfecture).
Les trois principaux partis défendant l’unité de l’Espagne en Catalogne -Ciudadanos (libéral), le Parti socialiste catalan et le Parti populaire de M. Rajoy- ont participé à cette manifestation et demandé aux leurs de se rendre massivement aux urnes le 21 décembre.
Les directions des deux plus grands partis indépendantistes – ERC de M. Junqueras et le PdeCat de M. Puigdemont — devaient aussi lundi se pencher sur ce sujet qui les embarrasse car s’ils participent ils favorisent la stratégie de Mariano Rajoy et s’ils refusent d’y prendre part ils seront écartés des institutions.
Le Quotidien / AFP