Quelque 30 millions de Birmans sont appelés aux urnes dimanche pour des élections historiques prédites victorieuses pour l’opposante Aung San Suu Kyi. Mais le résultat ne sera connu que dans plusieurs jours.
Quelle est la portée de ces élections?
Ce scrutin sera révélateur du succès de la transition démocratique amorcée il y a quatre ans, avec l’auto-dissolution d’une junte ayant régné d’une poigne de fer depuis 1962, figeant dans le temps l’ex-colonie britannique qui était le grenier de l’Asie du sud-est et enfermant l’opposante Aung San Suu Kyi pendant quinze ans en résidence surveillée, jusqu’en 2010.
L’entrée au Parlement du parti d’Aung San Suu Kyi à la faveur d’élections partielles en 2012 a ouvert la voie de la démocratisation du pays.
Mais Suu Kyi dénonce régulièrement les limites des réformes amorcées par le gouvernement post-junte depuis 2011: il reste dominé par d’ex-généraux, soucieux de défendre les intérêts de l’ancienne garde sous couvert d’assurer une transition en douceur.
L’armée reste d’ailleurs très puissante politiquement puisqu’elle conserve un quart des sièges du Parlement, réservés à des militaires non élus.
Quelles sont les forces en présence?
Au total, plus de 90 partis sont officiellement en compétition.
Les deux principaux partis sont la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Suu Kyi et le Parti pour la solidarité et le développement de l’Union (USDP), le parti au pouvoir, emmené par d’anciens généraux ayant abandonné l’uniforme pour participer aux élections controversées de 2010.
La LND, qui avait remporté en 1990 une victoire écrasante (ignorée par la junte), est donnée favorite. Depuis le début de la campagne, Aung San Suu Kyi, qui est candidate dans une région rurale à quelques heures de Rangoun (Kawhmu) électrise les foules à travers le pays.
Du côté de l’USDP, soutenu par des moines bouddhistes extrémistes, le président Thein Sein ne brigue par un mandat de parlementaire. Mais il n’a pas exclu d’être candidat à sa propre succession.
Le jeu politique est compliqué par la présence de dizaines de partis représentant les minorités ethniques, notamment dans les régions des zones frontalières. Susceptibles de remporter de nombreux sièges de parlementaires, ils pourraient donc jouer un rôle clé dans toute coalition post-électorale.
Comment va se dérouler le scrutin?
Pour la première fois, des observateurs étrangers ont été autorisés pour ce scrutin devant débuter à 06H00 locales dimanche (23H30 GMT samedi) et s’achever à 18H00 locales (11H30 GMT dimanche).
La logistique électorale s’est révélée une tâche herculéenne dans un pays à l’administration défaillante. Etablies à partir de fichiers administratifs papier hors d’âge et notoirement erronés, les listes électorales sont numériques. Elles sont très controversées.
Le vote a cependant dû être annulé dans des régions en proie à une guerre civile, soit des centaines de villages dans les Etats Kachin, Shan et Karen. Dans l’ouest du pays, en Etat Rakhine, des centaines de milliers de Rohingyas, minorité musulmane dont les papiers d’identité temporaires ont été récemment annulés sous la pression des moines bouddhistes nationalistes, sont interdits de vote.
Enfin, le vote anticipé pour les centaines de milliers de travailleurs émigrés birmans à travers le monde, notamment en Asie, a été émaillé de couacs.
Quand connaîtra-t-on les résultats?
Les autorités n’ont pas donné de date pour les résultats qui risquent de ne pas être connus avant plusieurs jours.
Plus de 6.000 candidats se disputent lors de ces élections générales 323 sièges de la Chambre basse et 168 sièges de la Chambre haute du Parlement soumis au vote, mais aussi les 652 sièges de diverses assemblées régionales.
Dans les Chambres basse et haute du Parlement national, 25% des sièges sont réservés à des députés militaires, désignés par le chef de l’armée, hostiles à LND.
Dans ce contexte, pour être majoritaire dans les deux chambres, la LND besoin de remporter au moins 330 sièges, soit 67% des circonscriptions. Tandis que l’USDP n’aurait besoin que de 33% des sièges, grâce au soutien des militaires.
La première étape du nouveau Parlement sera de choisir le prochain président, un processus complexe qui n’aura pas lieu avant mars. Suu Kyi ne pourra pas se présenter en raison d’un article de la Constitution qui bloque l’accès à la fonction suprême pour les personnes ayant des enfants de nationalité étrangère. Or ses deux enfants sont britanniques.
Mais cette dernière a récemment indiqué qu’elle entendait bien être la chef de file du gouvernement si la LND l’emporte. Le parti n’a pas révélé le nom de son candidat.
AFP/M.R.