Accueil | Monde | La Belgique est-elle devenue une plaque tournante pour le terrorisme ?

La Belgique est-elle devenue une plaque tournante pour le terrorisme ?


Fouad Belkacem, meneur de Sharia4Belgium, condamné à 12 ans de prison en février pour avoir envoyé des dizaines de volontaires en Syrie. La plupart des jihadistes belges ont grandi dans les zones paupérisées et à forte population d'origine immigrée d'Anvers, Bruxelles, Verviers ou Vilvorde. (Photo : AFP)

Le royaume apparaît dans plusieurs affaires de terrorisme lié à l’islam radical ces dernières années.

Le petit pays de 11 millions d’habitants est aussi, en Europe, celui qui compte le plus grand nombre de volontaires partis combattre en Syrie ou en Irak, proportionnellement à sa population. Ce sont 440 Belges qui ont rallié le jihad ces dernières années : 260 y seraient toujours, 60 sont morts et 120 sont revenus en Belgique, selon le ministère de l’Intérieur.

La Belgique est une plaque tournante, un vivier du terrorisme islamiste, mais ce n’est pas le seul en Europe», affirme Claude Moniquet, codirecteur de l’European Strategic Intelligence and Security Center. Il cite aussi la région parisienne et celles de Rhône-Alpes et de Roubaix-Tourcoing en France, ainsi que la Grande-Bretagne.

Alors qu’environ cinq mille Européens ont rejoint le jihad en Syrie, et que l’Europe a été frappée par une série d’attentats meurtriers au nom de l’islam radical ces 18 derniers mois, la Belgique est apparue dans plusieurs des enquêtes comme un lieu de séjour, d’achat d’armes ou comme une cible.

Relativement épargné jusque-là, le royaume a été ébranlé par l’attaque commise en mai 2014 par le Français Mehdi Nemmouche – revenu de Syrie où il avait combattu dans les rangs de l’État islamique – contre le Musée juif de Belgique à Bruxelles, qui a fait 4 morts. En janvier, juste après les attentats de Paris, la police belge avait abattu deux jihadistes présumés en prenant d’assaut leur cache à Verviers (est). La police avait ensuite procédé à des perquisitions et interpellations dans toute la Belgique, et notamment à Molenbeek-Saint-Jean, quartier populaire de Bruxelles où a également séjourné le suspect du Thalys Amsterdam-Paris, le Marocain Ayoub el Khazzani. La cellule démantelée, dont le cerveau présumé est toujours en fuite, projetait de façon «imminente» des attentats contre des commissariats et des policiers dans la rue, selon le parquet.

Un important trafic d’armes

La Belgique est aussi une plaque tournante pour le trafic d’armes, a reconnu son ministre de la Justice, Koen Geens, cette semaine. «Il est évident que beaucoup trop de ces kalachnikovs illégales arrivent chez nous en provenance d’Europe de l’Est et nous devons nous y attaquer de nouveau», a-t-il déclaré. Selon les médias belges, une partie de l’arsenal utilisé par les frères Kouachi dans l’attaque contre Charlie Hebdo à Paris en janvier et par Amédy Coulibaly contre un magasin cacher a été achetée à Bruxelles.

Le procureur fédéral belge, Frédéric Van Leeuw, donne une idée de l’ampleur du problème : il a «ouvert cette année davantage de dossiers liés au terrorisme que pour l’année 2014 dans son intégralité, et il s’agissait d’une année record avec 195 dossiers».

Radicalisés par Sharia4Belgium

En février, à l’issue d’un procès contre 46 membres du groupe salafiste Sharia4Belgium, le tribunal d’Anvers (nord) avait condamné le meneur, Fouad Belkacem, à 12 ans de prison pour avoir envoyé des dizaines de volontaires en Syrie. Lors de prêches en pleine rue et sur internet, il avait également menacé d’attaquer des lieux symboliques, comme le Palais royal, et réclamé l’instauration d’un «État islamique» en Belgique.

«Dans plusieurs dossiers de jeunes Français revenus de Syrie, on a découvert qu’ils se sont radicalisés en lisant des publications de Sharia4Belgium», qui a aidé certains d’entre eux à partir, explique Claude Moniquet. La plupart des jihadistes belges ont grandi dans les zones paupérisées et à forte population d’origine immigrée d’Anvers, Bruxelles, Verviers ou Vilvorde.

La Belgique a d’ailleurs été l’un des premiers pays européens à tirer la sonnette d’alarme, début 2013, sur la menace représentée par le retour au bercail des jihadistes européens, et appelle depuis, avec la France, à renforcer la coopération policière et avec les pays d’origine et de transit.

Servant plutôt de base arrière, la Belgique avait été menacée de représailles dès le milieu des années 1990 par le Groupe islamique armé (GIA) algérien après le démantèlement d’une de ses cellules à Bruxelles.

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, il est apparu que les assassins du commandant Massoud, chef de la lutte contre les talibans en Afghanistan, disposaient de faux passeports belges et de soutiens logistiques en Belgique. Dans la foulée, un ancien footballeur professionnel membre d’Al-Qaïda, Nizar Trabelsi, avait été arrêté alors qu’il fomentait un attentat contre une base militaire.

Le Quotidien