Empilés à l’arrière d’un pick-up, les corps dénudés et ensanglantés de quatre membres présumés du commando islamiste shebab qui a fait 148 morts dans une université de l’est du Kenya, ont été exhibés samedi par la police dans les rues de Garissa devant des habitants stupéfaits ou en colère.
Un employé de la sécurité tente de contenir les spectateurs qui viennent observer les corps des présumés attaquants de l’université de Garissa le 4 avril 2015. (Photo : AFP)
Après avoir exposé les cadavres – gonflés et très abîmés par des projectiles – à l’extérieur de l’hôpital où ils étaient entreposés depuis deux jours, des policiers les ont entassés les uns sur les autres sur une bâche orange recouvrant la plate-forme arrière d’un pick-up blanc, a constaté un correspondant de l’AFP. Le véhicule a parcouru environ 500 m de la rue principale de Garissa, localité située à 150 km de la frontière somalienne, jusqu’à une aire de jeux pour enfants.
Des centaines de personnes, dont des enfants, sont descendues dans la rue pour voir les cadavres, en dépit de l’insupportable puanteur. Certains ont jeté des pierres sur les corps au passage du véhicule accompagné d’insultes et de huées au fur et à mesure de sa progression. « Notre intention n’était pas de les exhiber, mais de pouvoir les identifier publiquement, de savoir si quelqu’un pouvait les reconnaître, que ce soit un proche ou quelqu’un les connaissant », s’est justifié le chef local de la police, Benjamin Ong’ombe.
Mais « trop de gens se sont déplacés, nous avons dû les ramener » à l’hôpital, a-t-il ajouté. Toute identification semblait néanmoins difficile, les corps étant empilés les uns sur les autres, ceux du dessus étant en plus allongés sur le ventre. De nombreux badauds photographiaient la sinistre parade avec leurs téléphones, mais beaucoup disaient être dégoûtés par le spectacle. « Amener des corps de défunts, qu’ils soient des terroristes ou non, et les montrer nus dans les rues, ne peut qu’inciter les terroristes à agir avec plus de haine lors d’une autre attaque », a estimé Abdi Hussein, un chef coutumier, « c’est inhumain d’exhiber des cadavres nus ».
> Forces de sécurité critiquées
Les autorités ont indiqué avoir récupéré dans l’université dévastée les corps de quatre membres présumés du commando tués jeudi soir lors de l’assaut des forces de sécurité kényanes qui avaient ainsi mis fin à près de 16 heures de siège. Jeudi à l’aube, le commando islamiste avait pénétré sur le campus de l’université de Garissa, une ville qui a été le théâtre régulier d’attaques de moindre envergure par les islamistes somaliens shebab.
Les assaillants avaient ouvert le feu sur ceux qui croisaient leur route, avant d’entrer dans la résidence universitaire, surprenant des centaines d’étudiants dans leur sommeil ou au saut du lit. Les survivants ont raconté le cynisme terrifiant des assaillants qui, après avoir laissé partir les musulmans, ont joué avec leurs otages avant d’en abattre certains de sang froid.
Outre 142 étudiants, trois policiers et trois militaires ont péri au cours de cette attaque, la plus meurtrière sur le sol kényan depuis l’attentat contre l’ambassade américaine à Nairobi, qui avait fait 213 morts en 1998. « Parcourir les rues en plein jour (avec des cadavres), dans un pays qui défend la dignité humaine est embarrassant », a estimé Ahmed Yusuf, étudiant dans un autre établissement de la ville. « Au lieu d’exhiber les corps dans les rues maintenant, les forces de sécurité auraient mieux fait d’agir pour les empêcher de tuer les étudiants », a-t-il estimé.
AFP