« Ce n’est pas l’heure d’avoir peur »: le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a demandé mercredi aux Européens de faire preuve d’audace et de solidarité en répartissant immédiatement 160 000 réfugiés dans l’UE, des propositions qui sont loin de faire l’unanimité.
La chancelière allemande Angela Merkel a martelé pour sa part qu’elle voulait une répartition « contraignante » des réfugiés, quitte à bousculer sérieusement les plus réticents de ses partenaires européens. Ces divergences entre pays de l’UE se traduisent de manière très concrète pour les réfugiés, notamment syriens, qui continuent d’affluer par dizaines de milliers en passant par les Balkans: accueillis sous les vivats en Allemagne, ils se heurtent plus au sud, parfois violemment, aux policiers hongrois qui bloquent la frontière avec l’Autriche.
M. Juncker a souhaité que les 28 Etats membres de l’UE se mettent d’accord dès la semaine prochaine sur la répartition des 160 000 réfugiés évoqués, au risque de bousculer les pays réticents. Ce chiffre correspond à l’addition d’une précédente proposition de répartir 40 000 réfugiés arrivés sur le sol européen, avec une nouvelle proposition d’urgence portant sur 120 000 personnes se trouvant actuellement en Italie, en Grèce et en Hongrie.
Cherchant à convaincre l’UE de dépasser ses divisions, M. Juncker en a appelé aux grandes valeurs du projet européen. « Il est temps de faire preuve d’humanité et de dignité », a-t-il lancé devant les députés réunis dans l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg. Il a appelé à des actions « audacieuses et déterminées », assurant: « nous avons les moyens d’aider ceux qui fuient la guerre ».
M. Juncker a aussi spécifiquement demandé à ce que la religion des réfugiés, venus de pays à grande majorité musulmane, ne soit pas un critère de choix, alors que certains élus en France ont fait savoir qu’ils ne voulaient accueillir que des chrétiens. L’option des quotas avait d’avance été jugée encore trop timide par l’Allemagne pour faire face à la pire crise migratoire en Europe depuis 1945, alors que certains pays de l’Est la trouvent inacceptable. Cette méthode place l’Allemagne en première ligne (environ 26% du total), suivie de la France (20%) et de l’Espagne (12%).
Mme Merkel a appelé ses partenaires européens à ouvrir plus grand leurs portes aux dizaines de milliers de réfugiés qui se pressent aux portes de l’Europe.
La proposition de la Commission européenne ne peut être qu’un « premier pas », a estimé la chancelière, très en pointe sur le dossier et qui a fini par rallier le président français François Hollande à la solution des quotas.
Chef de file des opposants à une politique d’ouverture, le Premier ministre hongrois Viktor Orban vient, lui, d’annoncer qu’il comptait accélérer le renforcement de la clôture érigée le long de sa frontière avec la Serbie pour tenter de contenir le flux des migrants. Plus déterminés que jamais, des centaines de migrants ont forcé à plusieurs reprises le cordon de la police hongroise à la frontière avec la Serbie.
« Nous ne voulons plus vivre dans des camps en Hongrie ou ailleurs, les conditions sont horribles, il fait trop froid, tout est sale, et ça sent mauvais », lançait dans la nuit une jeune Syrienne originaire de Damas, qui tentait avec d’autres de forcer le passage près du village frontalier hongrois de Rözske, à 170 km de Budapest.
D’autres scandaient « Nous voulons partir, laissez-nous passer », en entonnant devant des policiers hongrois des « Germany, Germany », un pays devenu leur Terre promise. En Allemagne, les spécialistes estiment que l’arrivée d’une vague d’immigration massive va entraîner une « charge financière et une transformation massive de la société ». Mais l’afflux de migrants va aussi contribuer à enrayer le déclin démographique et sera crucial pour le marché du travail en manque de main d’oeuvre.
Devenue le lieu emblématique de cet « exode », selon les termes du président du Conseil européen Donald Tusk, la petite île grecque de Lesbos a reçu à elle seule 20 000 candidats à l’exil, soit le quart de sa population. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a exhorté les dirigeants européens à se montrer solidaires des réfugiés « qui ont le droit de chercher asile sans subir aucune forme de discrimination ». Il organisera le 30 septembre, à New York, une réunion sur ce dossier.
La Maison Blanche, critiquée pour son manque de réactivité face à la crise des réfugiés syriens, a indiqué qu’elle envisageait de nouvelles mesures pour y répondre. Le Premier ministre australien Tony Abbott a annoncé que son pays allait accueillir 12 000 réfugiés supplémentaires en plus des 13 500 qu’elle accepte chaque année. Le Venezuela s’est dit prêt pour sa part à en accueillir 20 000.
AFP / S.A.