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Jeux européens : derrière le faste, la question de la répression en Azerbaïdjan


Un athlète, avec la torche des Jeux européens, parcourt la ville de Mingazchevir en Azerbaïdjan, le 22 mai 2015 (Photo AFP)

L’Azerbaïdjan a déployé les grands moyens pour accueillir les premiers Jeux européens, mais derrière la façade rutilante de ses installations sportives flambant neuves se cache, selon les critiques du pouvoir, une autre réalité: celle de la répression et des violations des droits de l’Homme.

Pour Bakou, l’événement, réunissant 6.000 athlètes concourant dans 20 disciplines sportives du 12 au 28 juin, constitue une vitrine rêvée pour l’affichage de ses ambitions olympiques et pour se rapprocher de l’Europe.

Les militants de droits de l’Homme espèrent quant à eux profiter de ces jeux pour faire connaître les abus du régime d’Ilham Aliev, qui dirige d’une main de fer cette ex-république soviétique du Caucase après avoir succédé à son père en 2003.

«Notre société civile est anéantie. Sans l’aide des pays européens, nous ne pouvons tout simplement plus supporter la répression du gouvernement», résume le militant des droits de l’Homme Elchan Gassanov.

«Les Jeux européens pourraient fournir une excellente occasion pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le problème des prisonniers politiques en Azerbaïdjan», ajoute-t-il. Pour sa part, l’organisation Human Rights Watch (HRW) a appelé les Européens à ne pas envoyer de représentant de haut rang dans les délégations pour la cérémonie d’ouverture, à moins que la répression ne cesse.

JO: recalé deux fois

Selon l’organisation, en un an, le régime a eu recours à des «accusations bidon» pour mettre derrière les barreaux au moins 35 défenseurs des droits de l’Homme, militants politiques et de la société civile, journalistes et blogueurs, poussant des dizaines d’autres à fuir le pays ou à se cacher.

«Si les Jeux européens doivent montrer que le sport peut avoir des effets positifs, alors tous les journalistes et militants détenus pour des accusations politiquement motivées devraient être libérés bien avant la cérémonie d’ouverture», estime Jane Buchanan, de HRW.

Riche en hydrocarbures, l’Azerbaïdjan, qui avait accueilli en grande pompe en 2012 le concours de l’Eurovision mais a été recalé deux fois pour les JO, n’a pas lésiné sur les moyens.

L’évènement rentre dans «une politique à long terme de renforcement du prestige» d’un pays «qui se développe de manière dynamique», a assuré le ministre des Sports Azad Raguimov.

Au total, 1,2 milliard de dollars (1 milliard d’euros) ont été débloqués, selon les chiffres officiels, pour les installations sportives et l’accueil des délégations. Les Jeux disposeront ainsi d’un village d’athlètes flambant neuf capable d’accueillir 9.000 personnes, et de 18 sites ultra-modernes dont une arène de 66.000 places pour les cérémonies d’ouverture et de clôture.

Mais pendant que les engins de chantier s’activent dans la capitale Bakou, les critiques du pouvoir ont de plus en plus de mal à faire entendre leur voix. La journaliste indépendante Khadija Ismaïlova, récompensée pour ses enquêtes sur la corruption du régime, est ainsi détenue depuis décembre, accusée de fraude fiscale.

Bienveillance occidentale ?

Interrogée par téléphone depuis la prison, Mme Ismaïlova a dénoncé des accusations «absurdes et totalement infondées»: «Je m’attends à un jugement dur. Ils veulent voler dix ans de ma vie, mais je n’ai pas peur.»

Les organisations internationales des droits de l’Homme, qui tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme, accusent les pays occidentaux de fermer les yeux sur les pratiques de M. Aliev pour avoir accès aux massives réserves de pétrole et de gaz du pays.

Les autorités réfutent fermement ces accusations. «Toutes les libertés et droits fondamentaux sont totalement respectés en Azerbaïdjan», a assuré à l’AFP Ali Gassanov, un proche de M. Aliev, dénonçant une «campagne de propagande politique et de dénigrement menée contre l’Azerbaïdjan et orchestrée depuis l’étranger».

Mais pour Amnesty International, les assurances du pouvoirs sont démenties par «la réalité de l’une des années les plus désastreuses pour les droits de l’Homme en Azerbaïdjan depuis l’indépendance en 1991».

«Personne ne devrait être abusé par les paillettes et le glamour du show planétaire que l’Azerbaïdjan prépare pour se construire une réputation impeccable sur la scène internationale», a averti John Dalhuisen, responsable d’Amesty pour l’Europe et l’Asie centrale.

AFP