L’avortement drastiquement limité en Floride, la pilule abortive suspendue à une décision de la Cour suprême… les Etats-Unis ont connu un jeudi noir en matière d’interruption volontaire de grossesse.
La loi adoptée par le parlement de Floride et signée jeudi par le gouverneur Ron DeSantis interdit les avortements au-delà de six semaines de grossesse. La Maison-Blanche l’a fustigée comme étant « extrême et dangereuse ».
Seulement quelques heures plus tôt, l’exécutif était déjà contraint de saisir en urgence le temple du droit pour contester les restrictions d’accès à la mifépristone, décidées par une cour d’appel.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un panel de trois juges basés dans le Sud conservateur a limité son utilisation aux sept premières semaines de grossesse, contre dix auparavant, et interdit son envoi par la poste. Avec des conséquences potentiellement immenses sur l’accès à l’avortement: combinée avec un autre cachet, la mifépristone est utilisée pour plus de la moitié des avortements aux Etats-Unis.
Un arrêt « sans précédent »
A l’origine de cette saga judiciaire, la décision la semaine dernière d’un juge fédéral, connu pour ses vues ultraconservatrices, qui avait retiré l’autorisation de mise sur le marché de la pilule. En dépit du consensus scientifique, il a estimé que la mifépristone présentait des risques pour la santé des femmes et suspendu son autorisation pour l’ensemble du territoire américain. Il avait prévu un délai d’une semaine avant que sa décision ne s’applique, afin de laisser le temps au gouvernement fédéral de faire appel.
Lundi, l’administration du président démocrate Joe Biden avait demandé à une cour d’appel de la Nouvelle-Orléans d’intervenir pour bloquer l’arrêt « extraordinaire et sans précédent » du juge Matthew Kacsmaryk, nommé par Donald Trump, « en attendant l’examen de fond » du dossier. Dans son recours, le gouvernement rappelait que plus de 5 millions de femmes ont utilisé la mifépristone, combinée à un autre cachet, depuis son autorisation par la FDA en 2000. Quand elle est prise correctement, les effets secondaires graves sont extrêmement rares, plaidait-il.
Cour suprême conservatrice
Mais la décision de la cour d’appel n’a pas donné raison à l’administration Biden, limitant par bien des égards l’accès à ce cachet. Elle « s’interpose entre les médecins et leurs patientes », a critiqué la vice-présidente Kamala Harris, très impliquée sur le dossier de l’avortement depuis que la Cour suprême a annulé la protection constitutionnelle de ce droit en juin dernier.
Une quinzaine d’Etats ont depuis interdit l’avortement sur le sol. Jeudi, le parlement de Floride l’a proscrit au-delà de six semaines de grossesse. C’est cette même Cour suprême, dominée par les conservateurs depuis son profond remaniement par Donald Trump, qui est appelée à se saisir du dossier de la pilule, alimentant les spéculations sur son avenir.
Parallèlement, une coalition d’Etats démocrates ont saisi un autre tribunal à la fin du mois de février pour tenter de préserver cette pilule.
La confusion règne
Moins d’une heure après la décision du juge Kacsmaryk, un de ses confères, le juge Thomas Rice, nommé par Barack Obama et siégeant dans l’Etat de Washington, avait estimé que la mifépristone était « sûre et efficace » et avait interdit à la FDA de retirer son agrément dans les 17 Etats à l’origine du recours.
En attendant une décision de la haute cour, la confusion régnait sur les effets concrets de la décision de la cour d’appel mercredi. « Nous ne savons pas encore comment l’arrêt sera interprété par les entreprises qui distribuent la mifépristone, les médecins et les tribunaux », a alerté le réseau d’information sur les pilules abortives Plan C.