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Jérusalem-Est : ces Palestiniens qui démolissent leur propre maison


Comme beaucoup d'autres Palestiniens, la famille Chalalda a démoli son appartement de deux chambres dans le quartier oriental d'A-Tur (Photo : AFP).

Alaa Borqan avait deux choix : se voir facturer par la mairie le coût de la destruction de sa maison ou la détruire lui-même. Il a choisi la seconde option comme de nombreux Palestiniens de Jérusalem…

Sur les ruines de sa maison, dans le quartier arabe de Jabal Mukaber, à Jérusalem-Est, territoire occupé et annexé par Israël depuis 1967, le père de quatre enfants reste sous le choc. « C’est dur de démolir sa maison de ses propres mains », lâche-t-il.

Alaa avait mis toutes ses économies dans cet appartement de 135 m2 qui lui a coûté près de 190.000 euros et nécessité quatre ans de travaux.

« J’avais fait une demande auprès de la mairie pour obtenir un permis de construire, mais en vain », explique Alaa. « J’ai dépensé environ 75.000 shekels (près de 18.000 euros) en frais d’avocat et pour l’étude du sol », ajoute le travailleur journalier.

Mais le permis lui a été refusé. Et la mairie de Jérusalem lui a donné deux options: détruire lui-même sa maison, laisser l’opération à la municipalité qui lui refilera la note….

Alaa a donc loué un bulldozer, qui a rasé sa propre maison devant ses yeux.

Les autorités israéliennes démolissent régulièrement ce qu’elles considèrent comme des constructions illégales de maisons érigées par des Palestiniens à Jérusalem-Est et dans des secteurs de Cisjordanie occupée.

A Jérusalem-Est, les Palestiniens affirment qu’il est presque impossible d’obtenir des permis de construire de la part des autorités israéliennes et qu’il en résulte une pénurie de logements.

Le tribunal, qui a jugé la structure illégale car construite sans permis, a condamné Alaa à une amende d’environ 15.000 euros, dont il dit avoir déjà payé le tiers. La famille, elle, s’est relogée dans un appartement qu’elle loue environ 700 euros le mois.

« Très humiliant »

Selon la mairie de Jérusalem, 44 maisons ont été démolies depuis le début de l’année à Jérusalem-Est, foyer de 300.000 Palestiniens et 200.000 juifs israéliens.

« Les démolitions se font sur ordre d’un tribunal israélien et sont soumises à un examen légal minutieux », assure à l’AFP, Ben Avrahami, conseiller à la mairie aux affaires de Jérusalem-Est.

Selon les données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), 81 structures (pouvant contenir plusieurs unités d’habitation chacune) ont été détruites à Jérusalem-Est les six premiers mois de l’année, dont 44 ont été démolies par les propriétaires eux-mêmes.

Dans une étude l’an dernier, l’Ocha estimait que « l’application par Israël d’un régime de planification restrictif à Jérusalem-Est, rendait pratiquement impossible pour les Palestiniens d’obtenir des permis de construire ».

Selon l’Ocha, seuls 13% de Jérusalem-Est sont réservés à la construction palestinienne, dont une grande partie est déjà construite, tandis que 35% ont été alloués aux colonies juives, illégales au regard du droit international.

Outre des contraintes financières, ces « auto-démolitions » sont « très humiliantes » et « ont des effets psychologiques considérables » sur les familles, note Ziad Hammouri, directeur du Centre de Jérusalem pour les droits économiques et sociaux, une organisation locale.

Mais beaucoup de Palestiniens préfèrent eux-mêmes démolir leur propriété pour éviter notamment « de se faire arrêter par les services de sécurité israéliens (…) au cas où ils n’auraient pu payer les frais de démolition à la mairie ».

Pénurie de logements

Le 2 juillet dernier, les Chalalda ont ainsi démoli leur appartement de deux chambres dans le quartier oriental d’A-Tur.

C’est « très difficile, un rêve a été démoli », lance Sara Chalalda, mère de six enfants. « Nous étions sur le point d’emménager, on ne voulait plus avoir à payer de loyer ».

Les Palestiniens de la ville ont besoin de 30.000 à 40.000 unités de logement, souligne Mahmoud Zahaykeh, de l’Union de l’habitat de Jérusalem pour qui les loyers sont chers et les permis aussi.

« Le loyer moyen est de 800 dollars (environ 680 euros) et un permis de construire peut coûter 50.000 dollars pour un appartement », souligne-t-il, soutenant que « seuls 20% des habitants obtiennent des permis et (que) les démarches peuvent durer cinq ans ».

A la mairie, M. Avrahami affirme que la municipalité octroie environ 250 permis de construire à des Palestiniens tous les ans.

Alaa Borqan a misé et perdu. « Ils (Les Israéliens, ndlr) ne veulent pas que l’on reste » ici à Jérusalem, dit-il. « Mais nous, on ne va pas bouger. »

AFP