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Italie : le retour de Renzi contre « l’autre Matteo »


Face à une victoire de celui qu'il surnomme "Capitaine Fracasse", Renzi a ravalé sa fierté et plaide pour un accord avec le M5S. (photo AFP)

Il a été l’enfant chéri de la politique italienne avant de se mettre tout le monde à dos, mais Matteo Renzi est de retour sur le devant de la scène, sur un ton plus sobre qu’à son habitude, pour relever le défi de « l’autre Matteo », le vice Premier ministre Matteo Salvini.

En 2013, ils ont surgi ensemble en s’emparant de la direction de leur formation : le Parti démocrate (centre gauche) pour Matteo Renzi, la Ligue (extrême droite) pour Matteo Salvini. Ils avaient alors presque le même âge – 38 ans pour Renzi, 40 pour Salvini –, le même degré d’ambition, la même capacité à jongler avec les réseaux sociaux et la même volonté affichée de « mettre à la casse » le vieux système politique.

Le PD étant alors au pouvoir, c’est Renzi qui s’y est frotté en premier en février 2014, poussant sans ménagement vers la sortie le Premier ministre Enrico Letta, ancien numéro deux du PD. Diplômé en droit, fier de ses années de scoutisme catholique, marié à une enseignante et père de trois enfants, il n’avait alors comme seule expérience politique que son mandat de maire de Florence. Il s’engage alors dans des réformes tous azimuts, de l’école au marché du travail, en commençant par négocier une ambitieuse refonte des institutions avec Silvio Berlusconi (droite).

Au départ, son dynamisme, sur les réseaux sociaux comme dans les meetings, ses airs d’éternel adolescent, son accent toscan teinté d’un léger zozotement et ses promesses séduisent. Aux européennes de mai 2014, il fait rêver toute la gauche européenne en remportant 40% des voix. Mais la lune de miel sera brève. Très vite, les syndicats sont dans la rue contre son programme, et son discours, jugé arrogant et un brin autoritaire, commencent à irriter. Tout comme le cercle de fidèles, souvent Toscans comme lui, dont il s’est entouré. A l’image de Maria-Elena Boschi, qui fut son bras droit pour les réformes avant d’être soupçonnée d’être intervenue en faveur de son père, quand il dirigeait une petite banque en faillite.

« Soit il est amoureux, soit il est obsédé »

Pendant ce temps, Salvini, qui n’est encore que « l’autre Matteo », fait opérer un virage nationaliste à la Ligue du Nord longtemps sécessionniste et tire à boulets rouges sur Renzi. Le désamour est consommé en décembre 2016, quand le rêve de Matteo Renzi d’une Italie « plus efficace et plus simple » se brise sur le rejet sans appel de sa réforme constitutionnelle lors d’un référendum. Il démissionne le soir-même, mais reste à la tête du PD, où sa descente aux enfers se poursuit. Fin 2017, des « frondeurs » claquent la porte du parti pour fonder un petit parti à gauche. Et aux législatives de mars 2018, le PD tombe sous les 19%, un échec cuisant pour Renzi même si nombre de ses partenaires de centre gauche en Europe lui envient ce score. Renzi quitte alors la tête du parti, non sans s’être assuré que le PD se refuse à toute alliance avec le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) : pas question de devenir une « béquille » gouvernementale après des années d’opposition féroce.

Le M5S se tourne alors vers la Ligue de Matteo Salvini, qui s’appuie sur cette alliance pour prendre son envol avec 34% des voix aux européennes de mai, le double de son score du printemps 2018. Devenu simple sénateur, Renzi devient à son tour « l’autre Matteo », fulminant contre le gouvernement populiste. Mais désormais, face à la perspective d’élections à l’automne – au moment où l’Italie devrait être occupée à préparer son budget – et à une victoire de celui qu’il surnomme « Capitaine Fracasse », Renzi a ravalé sa fierté et plaide pour un accord avec le M5S. Au risque de bousculer la ligne du nouveau chef du PD, le moins charismatique Nicola Zingaretti, qui redoute qu’une alliance bancale anti-Salvini ne fasse que renforcer le patron de la Ligue.

En tout cas, Salvini n’a pas l’intention de changer de cible. Mardi au Sénat, il a cité Renzi 13 fois en dix minutes d’intervention. « Soit il est amoureux, soit il est obsédé », a commenté l’intéressé.

LQ/AFP