Une alliance de droites menée par Matteo Salvini a remporté, dimanche, des élections régionales en Ombrie, délogeant au passage la gauche handicapée par un scandale dans le secteur de la santé et infligeant un grave revers à la coalition au pouvoir en Italie.
L’avocate Donatella Tesei, candidate de la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini, soutenue aussi par les néofascistes de Frères d’Italie et Forza Italia (centre-droit) de Silvio Berlusconi, a obtenu une majorité écrasante de 57,55 %. Dans le camp d’en face, Vincenzo Bianconi, issu de la société civile et soutenu par une alliance – inédite au niveau local – entre le Parti Démocrate (PD, centre gauche) et le Mouvement cinq étoiles (M5S, anti-establishment) ne s’est adjugé que 37,5 % des voix.
« Vos jours sont comptés »
Même si l’Ombrie (centre) ne compte qu’environ 900 000 habitants, il s’agissait d’un test pour l’attelage PD-M5S au pouvoir depuis moins de deux mois. Un gouvernement penchant à gauche et pro-européen a remplacé la coalition populiste Ligue-M5S qui a gouverné l’Italie entre juin 2018 et août 2019. Matteo Salvini, venu à Pérouse « fêter la victoire » aux côtés de Donatella Tesei, s’est réjoui de « résultats extraordinaires ». Il a félicité les habitants de l’Ombrie « pour avoir choisi la liberté au nom de 60 millions d’Italiens », dans une allusion aux législatives qu’il réclame sur tous les tons depuis qu’il a fait exploser le 8 août son pacte instable avec le M5S. « Vos jours sont comptés », a lancé Matteo Salvini à l’adresse du Premier ministre Giuseppe Conte, du chef du M5S Luigi di Maio, et de son allié Nicola Zingaretti, patron du PD. Pour Matteo Salvini, l’exécutif en place et ses ministres « occupent de façon abusive et momentanée le gouvernement national ».
L’ex-ministre de l’Intérieur, connu pour ses diatribes antimigrants, a gagné son pari de déloger la gauche qui gouvernait depuis plus d’un demi-siècle cette région agricole, réputée pour ses truffes et son jambon de pays. Dans ses meetings de village en village, il n’a pas parlé immigration mais promis un sursaut face à la grave crise économique que traverse une région autrefois prospère, frappée en outre par une série de séismes, dont celui d’Amatrice en 2016 (300 morts). Le PD (qui s’est adjugé un score de quasi 22 %) était parti handicapé par un scandale dans le secteur de la santé – des concours truqués pour l’embauche dans les hôpitaux de la région – qui a poussé à la démission la gouverneure sortante, Catiusha Marini, en avril.
Le pacte citoyen n’a pas fonctionné
Dans le camp mené par Salvini, le score des Frères d’Italie qui dépasse les 10 % est marquant, d’autant qu’ils supplantent au sein de la coalition entre vieux alliés de droite le parti centriste de Berlusconi qui s’écroule sous les 6 %. Intimant à Giuseppe Conte de démissionner, leur cheffe, Giorgia Meloni, a posté une photo d’elle avec un panneau : « Nous avons libéré l’Ombrie, maintenant libérons l’Italie ».
Le grand perdant du scrutin est surtout le M5S qui s’est effondré à 7,4 % des voix, contre 32 % aux législatives de mars 2018. « Nous avions pensé qu’un pacte citoyen pour l’Ombrie pouvait être un test (d’une alliance locale avec le PD) mais l’expérience n’a pas fonctionné », a constaté le M5S sur sa page Facebook. Le M5S a toutefois exclu que cet échec local fasse chuter le gouvernement, même si le Mouvement va devoir repenser sa stratégie pour les prochains scrutins régionaux, prévus fin janvier 2020 en Émilie-Romagne puis en Toscane, deux autres fiefs de gauche.
Pour Massimo Franco, éditorialiste du Corriere della Sera, les résultats en Ombrie sont difficiles à interpréter : « Le message des électeurs est sans ambiguïté, mais les retombées nationales beaucoup moins. » L’alliance PD-M5S avait été formée « de façon improvisée et au dernier moment, ce qui a sans doute décontenancé les électeurs ». « Il est difficile de prévoir si et quand le « syndrome de l’Ombrie » finira par détruire l’alliance de gouvernement et l’exécutif mené par Conte », selon Massimo Franco. En revanche, une chose est sûre : pour le M5S, cette défaite « écarte l’hypothèse d’étendre à d’autres villes et régions l’idée d’un pacte avec la gauche ».
Le Quotidien / AFP