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Selon les experts, Israël ne serait pas prêt à faire la guerre pour les Saoudiens


Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, s'est félicité de cette "opération professionnelle et précise". (photo: dr)

Une rare interview d’un général israélien à un média saoudien conforte les spéculations sur une éventuelle alliance entre Israël et l’Arabie saoudite face à l’Iran, mais les experts doutent que l’État hébreu se laisse entraîner dans une guerre par procuration.

L’Arabie saoudite et Israël n’ont pas de relations diplomatiques, mais un ennemi commun, l’Iran, dont l’expansion régionale les alarme.

Au-delà de l’antagonisme historique, les tensions se sont récemment avivées entre les deux poids lourds régionaux iranien et saoudien: compétition exacerbée par alliés interposés sur les théâtres de guerre du Proche-Orient, démission du Premier ministre libanais Saad Hariri, interception d’un missile tiré par des rebelles yéménites près de Ryad.

L’escalade verbale entre les deux rivaux a nourri les conjectures sur une convergence secrète entre l’Arabie saoudite et Israël et la possibilité d’une action contre l’Iran ou le Hezbollah libanais, son allié et autre grand ennemi d’Israël.

Dans ce contexte, le rare entretien accordé par le chef d’état-major israélien Gadi Eisenkot au site d’information en ligne Elaph, fondé par un homme d’affaires saoudien et basé en Grande-Bretagne, ne pouvait pas passer inaperçu.

Israël est « prêt à échanger (son) expérience et les informations provenant du renseignement avec les pays arabes modérés pour faire face à l’Iran », a-t-il dit. Israël et Ryad sont en « accord total »: l’Iran est « la plus grande menace » régionale.

Israéliens et Saoudiens ne se sont jamais fait la guerre et la présidence américaine de Donald Trump offre « la chance d’une nouvelle alliance internationale dans la région », a-t-il ajouté.

Calme trompeur

Les suppositions sur un rapprochement israélo-saoudien se nourrissent des vues prêtées au président Trump: une recomposition régionale favoriserait l’accord « ultime » auquel il veut présider entre Israéliens et Palestiniens, historiquement soutenus par les Saoudiens.

Israël promeut lui-même l’idée que l’influence de l’Iran et les nouvelles réalités régionales annoncent une embellie de ses relations avec des pays arabes.

Il s’alarme des activités nucléaires iraniennes et du danger que l’Iran, engagé militairement en Syrie, n’établisse un nouveau front près de ses frontières. Il redoute de voir se dessiner un croissant proiranien continu passant par l’Irak, la Syrie et le Liban jusqu’à la Méditerranée.

Israël surveille aussi attentivement les lignes de démarcation avec le Liban et la Syrie, au-delà desquelles se trouve le Hezbollah considéré comme une organisation « terroriste » par l’État hébreu, l’Arabie saoudite et les États-Unis.

Jeudi, du haut d’une éminence avec vue sur Metoula, la ville israélienne la plus septentrionale flanquée par le Liban sur trois côtés, un tank israélien faisait pivoter en permanence son canon pointé vers le pays du Cèdre.

« Le Hezbollah est là, nous le voyons s’activer jour et nuit », dit sur place le lieutenant-colonel Elad Efrati, qui commande un bataillon gardant 25 km de frontière.

« Le calme relatif est trompeur », ajoute-t-il, « de l’autre côté le Hezbollah et l’armée libanaise collectent le renseignement non-stop ». « Ce calme relatif peut voler en éclats à tout moment ».

Après la démission du Premier ministre libanais, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a accusé l’Arabie saoudite d’avoir demandé à Israël de frapper le Liban.

Risque de faux pas

Le président iranien Hassan Rohani a renchéri en accusant Ryad: « Il est honteux et gênant qu’un pays musulman de la région demande et même supplie le régime sioniste de bombarder le peuple libanais ».

« Nous n’avons aucune intention d’engager un conflit avec le Hezbollah au Liban », a répliqué le général Eisenkot, tout en prévenant qu’Israël se réservait le droit de contrer les « tentatives iraniennes d’escalade ».

Israël n’est pas tenté par une nouvelle confrontation mais une région aussi instable est à la merci d’un dérapage, disent les experts.

Karim Bitar, de l’Institut des affaires internationales et stratégiques de Paris, relève « une combinaison de facteurs très inquiétants ». « L’impulsivité saoudienne est soutenue par un président américain tout aussi impulsif ».

« Il y a longtemps que les intérêts (israéliens et saoudiens) convergent », mais Israël fait la part des choses entre ses préoccupations et celles propres aux Saoudiens, dit Joshua Teitelbaum, du Centre israélien Begin-Sadat pour les études stratégiques.

« Israël ne se laissera pas entraîner dans une guerre pour le compte de l’Arabie saoudite », estime-t-il.

Par deux fois dans le passé, Ryad a misé sur la force de frappe israélienne, espérant une attaque contre les sites nucléaires de l’Iran, puis une intervention contre les forces du régime syrien, écrivait la semaine passée Amos Harel, expert des affaires de défense du quotidien israélien Haaretz.

« Les deux fois, il a été déçu », disait-il. Non sans admettre qu’Israël et le Hezbollah étant « souvent à deux faux pas mutuels de la guerre », un conflit peut vite arriver.

Le Quotidien/ AFP