Le gouvernement britannique a réitéré vendredi son appel au calme après de nouveaux affrontements entre émeutiers et la police en Irlande du Nord, où le Brexit ébranle une paix fragile.
Depuis plus d’une semaine, la province britannique est secouée par des violences sans précédent depuis plusieurs années, surtout dans des zones loyalistes à majorité protestante où les conséquences de la sortie de l’Union européenne ont créé un sentiment de trahison et d’amertume.
Malgré des appels de Londres, Dublin et Washington à cesser les violences, la capitale Belfast s’est une nouvelle fois embrasée dans la nuit de jeudi à vendredi.
Dans un quartier ouest, la police antiémeutes, prise en sandwich entre les deux camps, a été visée par des lancers de cocktails Molotov et de pavés quand elle tentait d’empêcher des centaines de manifestants républicains de se diriger vers les unionistes. Ils ont été repoussés pour un canon à eau.
Ces violences, qui ont fait jusqu’ici plus de 50 blessés dans la police, font ressurgir le spectre des « Troubles » et leurs 3 500 morts, qui ont opposé durant trois décennies sanglantes républicains, principalement des catholiques partisans de la réunification avec l’Irlande, et unionistes protestants, fervents défenseurs de l’appartenance au Royaume-Uni.
Situation « très inquiétante »
Face à cette escalade, le gouvernement britannique, qui a dépêché sur place le ministre de l’Irlande du Nord Brandon Lewis, a réitéré son appel au calme, resté jusqu’ici lettre morte.
« La violence n’a aucun rôle à jouer pour résoudre les problèmes », a insisté vendredi le ministre des Transports, Grant Shapps, sur Sky News, estimant la situation « très inquiétante ». « Nous devons nous assurer que les gens se parlent pour résoudre leurs problèmes », a-t-il ajouté, « mais pas par la violence ».
Jeudi, les Premiers ministres britannique et irlandais avaient joint leurs voix à celles des dirigeants d’Irlande du Nord, unionistes comme républicains, pour condamner ces violences « inacceptables ».
« C’est par le dialogue et un travail sur les institutions mises en place par l’accord du Vendredi saint (qui a mis fin aux Troubles en 1998) qu’il faut avancer », avait souligné Dublin.
La Maison-Blanche a également appelé au calme, se disant « préoccupée » alors que Joe Biden, fier de ses origines irlandaises, avait déjà exprimé ses inquiétudes concernant les conséquences du Brexit pour la paix dans la province.
« Paix en surface »
Depuis l’accord du Vendredi saint règne une « paix en surface », avance néanmoins Fiona McMahon, une habitante de 56 ans. « C’est profondément enraciné, ce n’est pas seulement à cause du Brexit ».
Celui-ci est toutefois venu fragiliser le délicat équilibre entre communautés dans la province, en nécessitant l’introduction des contrôles douaniers entre le Royaume-Uni et l’UE.
Afin d’éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique et la République d’Irlande, membre de l’UE, ces contrôles se tiennent dans les ports nord-irlandais. Malgré une période d’adaptation, ces nouvelles dispositions perturbent les approvisionnements et sont dénoncées par les unionistes comme une frontière entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne, et une trahison de la part de Londres.
« Il y a des moyens politiques pour parler du protocole » nord-irlandais, a souligné un député local du parti républicain Sinn Fein sur la BBC. « N’essayons pas de trouver des excuses à des groupes criminels qui ne devraient pas exister 23 ans après l’accord du Vendredi saint ».
La semaine dernière, des violences avaient d’abord éclaté dans la ville de Londonderry, avant de gagner un quartier loyaliste de Belfast et ses environs pendant le week-end de Pâques.
« Nous n’avions pas vu des troubles de cette ampleur depuis plusieurs années à Belfast et ailleurs », avait déclaré jeudi un responsable de la police, Jonathan Roberts, soulignant la participation aux heurts de jeunes d’à peine 13 ou 14 ans « encouragés » par des adultes.
Attisant les tensions, les autorités nord-irlandaises ont décidé de ne pas poursuivre des responsables du Sinn Fein qui avaient assisté aux obsèques d’un ancien chef paramilitaire malgré les restrictions en vigueur contre le coronavirus.
LQ/AFP